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saison de ces parages, les navires n’en courent pas moins, pendant toute la campagne, les chances de stationner de longs mois dans une mer toujours mauvaise quand même. Mais le danger tout spécial au banc de Terre-Neuve est la très grande fréquence du brouillard, qu’il n’est pas rare de voir durer plus d’une semaine sans discontinuation. Or, jusqu’à présent, pour gagner quelques heures sur la durée de leur traversée, excités par la concurrence, grisés par le Struggle for life, les très nombreux paquebots qui relient New-York à l’Europe n’hésitent pas à prendre le banc en écharpe, et l’on conçoit quels dégâts peuvent faire, en temps de brouillard, dans la flottille des pêcheurs, ces paquebots rivalisant de vitesse. Mais ce n’est pas tout ; même au milieu du brouillard, les pêcheurs ne chôment pas. Les doris continuent à circuler pour manœuvrer les lignes, et chaque année le nombre est toujours grand de ces frôles embarcations qui, désorientées et perdues dans le brouillard, ne rejoignent plus leur navire.

Enfin, en dehors des chances de mer, par la nature spéciale de leur industrie, les pêcheurs sont couramment exposés à se blesser avec les hameçons, blessures fréquemment suivies de complications d’une gravité extrême, d’où une augmentation sensible du tribut que ces braves gens payent à la maladie, sinon à la mort.

Pour fixer les idées sur les conditions particulièrement sévères dans lesquelles se font les grandes pêches, nous ne trouvons pas un chiffre plus démonstratif que celui des pertes subies par les pêcheurs de Terre-Neuve et d’Islande pendant la campagne de pêche de 1897.

En 1897, les 10 500 pêcheurs de Terre-Neuve ont perdu 266 hommes par les causes suivantes :


Par naufrages (6 navires naufragés) 143
Disparus en mer (doris en dérive) 65
Par blessures ou maladies 58
Total 266

Ce qui donne comme mortalité, pour six mois, 26 p. 1 000.

Pendant la même campagne, nos pêcheurs d’Islande au nombre de 3 718, ont perdu 86 hommes, soit 23 p. 1 000.

En totalisant, nous voyons qu’en définitive nos 14 218 pêcheurs de Terre-Neuve et d’Islande ont perdu, — en six mois, ne l’oublions pas, — 352 hommes, ce qui donne comme mortalité 25 p. 1 000.