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l’Impératrice. Il a été envoyé à Aix pour résider auprès d’elle pendant son séjour aux eaux. Il l’a accompagnée dans ses courses en Suisse. L’empereur d’Autriche le conserve à Vienne auprès de sa fille, quoique nommé à l’ambassade de Turin. Ce général a la confiance intime de l’Impératrice. Comme il est bon musicien, il passe toutes les soirées jusqu’à minuit à faire de la musique avec elle. » — « 17 novembre. Ce malheureux défaut de dissimulation et de mensonge s’est développé chez l’Impératrice à un point extrême. Voilà où mène la nécessité de cacher ses actions. Je ne puis t’exprimer comme il m’en coûte de te faire voir sous un jour si défavorable une personne que nous regardions comme un ange. Mais si tu savais combien cela me pèse sur le cœur ! A qui puis-je m’épancher, si ce n’est dans le sein de mon unique amie ? » — « 26 novembre. L’Impératrice se porte à merveille. La musique l’a absorbée tout entière, et elle y devient très forte. Elle chante aussi beaucoup et avec une grande assurance, je ne pourrais pas ajouter avec beaucoup de justesse ! Enfin, c’est un de ses passe-temps les plus agréables et qui lui fait oublier bien des souvenirs importuns. »

Au commencement d’avril 1815, un envoyé de Fouché, M. de Montrond, remit à Meneval un billet du duc de Vicence. Ce billet portait : « Il est de la plus haute importance pour l’Empereur de savoir exactement ce qui se passe à Vienne. » Meneval n’hésita pas sinon à tout dire, du moins à tout faire comprendre : « L’esprit de l’Impératrice, écrivit-il dans sa lettre du 8 avril à Caulaincourt, est tellement travaillé par le cabinet autrichien qu’elle n’envisage son retour en France qu’avec terreur. Tous les moyens possibles ont été employés pour l’éloigner de l’Empereur. Le général Neipperg a un grand ascendant sur elle... Dimanche dernier, l’Impératrice m’a dit qu’un acte du Congrès lui assurait Parme et qu’elle avait pris la résolution irrévocable de ne jamais se réunir à Napoléon... L’Impératrice est vraiment bonne au fond, mais bien faible ! Il est fâcheux qu’elle n’ait pas eu un meilleur entourage et que Mesdames de M... et de B... n’aient pas eu plus d’élévation. »

L’œuvre de Metternich était accomplie. Le général Neipperg avait achevé sa très agréable et très profitable conquête. Rien ne retenait plus Meneval loin de la France. Il partit le 7 mai après avoir vu une dernière fois le roi de Rome, qui venait d’être enlevé à sa mère et à sa gouvernante française, et séquestré au Palais impérial de Vienne. Il lui demanda s’il avait quelque chose à