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mais il ne laissa pas longtemps Meneval à sa lune de miel. Dès le 15 novembre, il l’emmena en Italie. En 1808, Meneval accompagne l’Empereur à Bayonne, d’où il envoie « une drogue bien rare, du quinquina, à ce bon M. Palissot, » revient avec lui à Erfurt, qui est alors un musée vivant de souverains, reprend la route des Pyrénées et le suit jusqu’au fond de l’Espagne. Dans ses lettres à sa jeune femme, le secrétaire de l’Empereur témoigne plutôt de la commisération pour les Espagnols, « ces pauvres gens qu’aveuglent l’ignorance et le fanatisme. » Mais il a de la haine contre les Anglais. Il écrit d’Arévalo, le 24 décembre 1808 : « Je désire bien que nous joignions ces coquins d’Anglais qui nous font faire une si vilaine corvée, et qu’on leur fasse éprouver un peu des misères de la guerre ; il y a quinze ans qu’ils nous en font porter tout le poids, sans en rien ressentir parce qu’ils ont la prudence de ne pas se compromettre. » — De Bénévente, le 31 décembre : « Nous courons à perdre haleine après ces maudits Anglais qui sont bien l’exécration de la terre. Tu ne te fais pas l’idée du mal qu’ils font ici. Ils mettent le feu partout, tuent tous les chevaux à coups de pistolet, enlèvent les bestiaux, chassent les habitans, détruisent les ponts, renversent tout, pierre sur pierre ; enfin, c’est une désolation. »

En 1809, Meneval suit l’Empereur jusque sur le champ de bataille de Wagram. En 1810, il va avec lui à Compiègne au-devant de la nouvelle Impératrice : « L’Empereur, écrit-il le 28 mars, n’a pu retenir l’impatience qu’il avait de connaître l’Impératrice ; il est allé à sa rencontre dans une calèche, avec le roi de Naples, suivi d’un seul piqueur, au delà de Soissons, et l’a ramenée avec lui à Compiègne. Il a voulu ainsi lui épargner la fatigue de tout le cérémonial préparé. Elle a été reçue ici par une trentaine de jeunes filles dont l’une lui a fait un compliment en lui présentant des fleurs... Tu attends à présent que je te parle de sa personne. Je l’ai trouvée pour mon compte une fort belle femme. Elle a les traits un peu gros ; mais, quoique sa figure ne soit pas bien régulière, l’ensemble en est très agréable. Il y a un mélange de candeur et de noblesse répandu dans toute sa personne. Elle est grande et d’une taille superbe, a une belle peau et beaucoup de fraîcheur, et, quand elle aura passé quelques mois à Paris, elle sera la plus belle femme de la cour pour la tournure et la carnation. Elle n’a pas été trop embarrassée en entrant ni en recevant le compliment ; elle était seulement un