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possibilité de mal. Il est démontré, en effet, qu’un moustique ne transmet point à ses descendans le poison de la malaria. Le moustique naît pur de toute infection : pour qu’il devienne à son tour le véhicule de la fièvre, il faut qu’il en puise le germe à sa source, qui est l’homme.

C’est donc, en dernière analyse, dans le malade qu’il faut combattre la malaria. Ici, nous ne trouvons pas les agens pernicieux diffus sur la surface indéfinie des eaux, ni dans la foule innombrable des habitans de l’air. Le mal se reconnaît à des symptômes assez clairs : si le médecin a le moindre doute, avec un filet de sang et un microscope, il peut l’éclaircir. La présence de l’hématozoaire dans les globules sanguins est un signe manifeste de contamination. Que maintenant on réfléchisse froidement au danger que constitue par sa seule présence l’homme atteint par le virus : là où il existe un seul malarique, il suffit d’un moustique pour contaminer un village ; là où il n’y a pas de malarique pour contaminer les moustiques, le mal ne peut pas apparaître. Ainsi la malaria est un type très net de maladie contagieuse : il faut la traiter non point comme une endémie, mais comme une épidémie.

Le premier devoir qui incombe à ceux qui ont compris la gravité du mal et qui aujourd’hui en connaissent les causes, c’est donc de guérir les hommes qui sont atteints de malaria. Heureusement, dans les cas qui ne sont ni trop anciens ni trop graves, les fièvres intermittentes admettent un remède spécifique : c’est la quinine, qui est pour l’hématozoaire de Laveran, dans les premières phases de son développement, un poison infaillible. Déjà l’extension qui a été donnée à l’emploi d’un remède pour lequel les paysans italiens gardent encore une répugnance craintive a pu diminuer en peu d’années, sinon le chiffre des malades, au moins celui des victimes. De 55 987 morts que l’on a comptés en 1888, le total est descendu en 1898 à 11 378. Mais il reste beaucoup à faire pour que le salut pénètre dans les villages reculés. Déjà l’on s’apprête à demander qu’en Italie la quinine soit décrétée monopole, comme le tabac et le sel.

Ce serait peu encore que d’offrir aux malades les moyens de se soigner à bon marché. Il faudrait pouvoir les contraindre à absorber la poudre amère, et il faudrait surtout les empêcher, en vivant parmi les moustiques et les hommes, de contaminer à la ronde les mares, les champs et les villages. Le malarique est un