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D’ailleurs, ce combat inégal et interminable n’atteindrait directement aucune des deux causes de la malaria. Au lieu de s’enfoncer à nouveau dans les terriers qu’ont creusés les peuplades du Latium, au lieu de s’engager dans des entreprises hydrauliques dont aucun ingénieur ne peut prévoir les conséquences, n’est-il pas plus sage, maintenant que l’ennemi est signalé, de l’attaquer en face ? L’eau n’est dangereuse que par le moustique dont elle reçoit les larves ; le moustique n’est dangereux que par le parasite auquel il donne asile. Pour vaincre la malaria, commençons donc par donner la chasse à l’insecte et par faire la guerre au protozoaire.

La Société pour l’Étude de la Malaria a fait expérimenter une série de substances capables de tuer les anophèles, soit dans leurs œufs, leurs larves et leurs nymphes, soit dans leur état de complet développement. Dans la période primaire de leur développement, les moustiques ont besoin de l’eau qui les porte et de l’air qui entretient leur vie. On peut donc mêler aux eaux dormantes des substances toxiques pour ces insectes ou bien y verser des huiles essentielles comme le pétrole, qui, en interposant une couche vitreuse entre l’air et l’eau, étoufferont les œufs et les larves. Dans les maisons, on brûlera des poudres à base d’aniline, dont le parfum est mortel aux moustiques ailés. Les formules préconisées par les savans n’ont pas encore passé dans l’expérience commune ; certains produits qui paraissent efficaces n’ont pas encore été abaissés à un prix populaire. Mais il faut songer que les recherches sont à peine entamées : comme l’écrivaient naguère deux savans italiens[1], après que l’Etat et les particuliers ont tout fait pour sauver la vigne de l’oïdium et du phylloxéra, on saura faire le nécessaire pour garantir la vie de l’homme contre les moustiques de la malaria.

Cependant la destruction des insectes qui propagent le mal ne pourra jamais être complète, et, ce qui est plus grave, elle n’atteindra pas le mal dans sa vie profonde. Pour anéantir un moustique contaminé, il faudra une hécatombe de moustiques importuns et inoffensifs : et qui peut affirmer que, sur le nombre, les plus dangereux n’échapperont pas ? Si l’on attaque sur les eaux la flottille des œufs et des nymphes, on prendra une peine incroyable pour supprimer non peint un mal actuel, mais une

  1. A. Celli et O. Casagrandi, Per la distruzione delle Zanzare (Atti della Società per gli Studi della Malaria, I, 1899).