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sur des lignes secondaires et qui n’ont pas de service de nuit, comme celle de Catane à Syracuse, on chauffe pendant les mois d’été des trains spéciaux qui ramènent le soir les employés des postes malsains à un centre plus salubre. Sur plus de 1 500 kilomètres de voies ferrées, les employés reçoivent, — toujours avec trop de parcimonie et de retard, — une provision de quinine et un supplément de solde destiné à améliorer leur maigre ordinaire, et à les rendre plus rebelles à l’étreinte du mal. La seule Compagnie des chemins de fer méridionaux, dont les lignes se trouvent déjà en déficit par suite des frais d’établissement et de la pauvreté du transit, paie, en dehors de toute dépense d’exercice, un tribut de plus d’un million à la malaria[1].

Que l’on juge d’après quelques chiffres exacts de tous les chiffres qui restent inconnus : c’est par dizaines de millions qu’il faudrait compter la perte d’argent qui vient s’ajouter aux pertes de vies, de temps et de forces. Mais quand on aurait pu énumérer en détail les ressources que la malaria enlève chaque année à un pays qui a besoin de toutes ses ressources pour tenir la place qu’il a reprise dans le monde, il faudrait encore faire entrer en ligne de compte les maux accessoires où la malaria intervient comme un facteur dont l’action échappe au calcul. La vieille maladie de la terre italienne n’est étrangère, on peut le prouver, à aucune des maladies sociales et politiques qui travaillent le jeune royaume.


II

On a lu ici même de fortes études sur deux des périls les plus graves qui menacent l’Italie unifiée. En analysant, d’après les écrits italiens et d’après son enquête personnelle, le régime de la grande propriété, qui entretient sur le sol italien la lèpre des terres désertes[2] et l’émigration qui affaiblit le pays par une continuelle saignée[3], M. Goyau a dénoncé justement des responsabilités incontestables et des fautes inexpiables. Pourtant, si l’on veut apprécier en toute équité les tentatives du gouvernement actuel, il faut faire la part des traditions historiques et des

  1. T. Ricchi, Maladies du personnel des chemins de fer italiens, Bologne, 1894.
  2. Voyez la Revue du 1er janvier 1898. Le régime de la grande propriété dans les Calabres.
  3. Voyez la Revue du 1er septembre 1898. L’émigration dans l’Italie méridionale.