voyage sur les nouveaux chemins de fer, qui avait été, plus qu’une étude des réseaux, une exploration officielle des régions du Sud, ouvertes enfin aux voies de la civilisation moderne. Le résultat le plus saisissant de cette enquête fut la révélation d’un fait que personne, depuis l’Unité, n’avait encore soupçonné : un tiers du nouveau royaume était le royaume de la malaria !
Dans l’émotion de la découverte, on nomma des commissions et on rédigea des projets dont il sortit peu de chose. Mais, en même temps, on s’avisa d’adresser à tous les conseils d’hygiène une circulaire et un questionnaire. Quand les réponses eurent été recueillies, le bureau de la statistique au ministère de l’Intérieur compila avec les données fragmentaires une carte générale de la malaria en Italie, qui fut publiée, dès 1882, avec une éloquente dissertation du sénateur Torelli. Cette première carte se bornait à noter les régions où la malaria existait : c’était une carte des malades, encore imprécise et flottante. Dix ans plus tard, l’Etat fit établir une nouvelle carte à l’échelle d’un millionième, qui était entièrement composée avec des chiffres exacts et qui donnait, région par région, la proportion des décès causés par le fléau : c’est la carte des morts.
Les taches funèbres qui marquent une moyenne annuelle de 3 à 8 morts de malaria sur 1 000 habitans forment sur la silhouette de la péninsule des groupes nettement partagés. Depuis les Alpes jusqu’à Rome, la zone mortelle comprend seulement, avec trois îlots dont le plus grand couvre une partie des lagunes, entre Venise et Comacchio, une île étalée largement sur la Maremme toscane, depuis Pise jusqu’à Civitavecchia. Une tache épaisse et sombre voile toute la campagne romaine et la plaine pontine. De là, en avançant jusqu’à l’extrême Sud, à peine trouve-t-on, sur chacun des deux versans, une région qui reste indemne. Si l’on excepte une partie de la Campanie et de la Terre de Bari, l’Italie méridionale est contaminée en tous sens. Au de la de Salerne, dans la Terre d’Otrante, dans les Calabres, les taches révélatrices se multiplient. Une longue et large traînée part de l’Adriatique au Nord-Ouest du Gargano et gagne le golfe de Tarente, après avoir passé ininterrompue sur la Capitanate et la Basilicate[1]. Hors de la péninsule, l’angle Sud-Est de la Sicile est tout entier empoisonné, et la Sardaigne est d’un bout à l’autre
- ↑ Dr G. Pica, la Basilicata e le sue condizioni igieniche e sanitarie, avec une carte régionale de la malaria ; Potenza, 1889.