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en mettant à l’envers les peaux qui n’ont pas assez de « fleur » pour être glacées, et en lissant leur « chair » par un ponçage à la meule. Un gant, avant d’être porté, subit plus de 140 manipulations, y compris le cousage et la teinture, où il entre parfois des ingrédiens bizarres. Les gants, classés avant la teinture, suivant la couleur qui leur sera propice, d’après leur grain ou leur brillant, arrivent à Paris découpés en trois morceaux : la main, le pouce et les fourchettes ; ils vont alors se faire coudre et piquer en Normandie, en Bretagne ou dans les Vosges.

La coupe n’était autrefois soumise à aucune règle fixe ; on déterminait à peu près la largeur, mais l’usage seul fixait la longueur des doigts ; de sorte que deux ouvriers différens ne donnaient pas les mêmes dimensions aux gants qui avaient la même pointure. Xavier Jouvin introduisit des proportions qui ont servi de base à un numérotage par lettres et par chiffres et à une collection de calibres, perfectionnés et simplifiés depuis cinquante ans que cette invention est tombée dans le domaine public.

Il ne se fait plus de gants brodés d’or, où les perles et les pierres précieuses se relevaient en bosse, tels qu’en portaient les Florentines au temps de Laurent le Magnifique ; il ne s’en fait plus d’ornés de peinture à la gouache, comme sous la Régence ; disparus sont les gants parfumés « à la Néroli, » « à la Frangipane, » et aussi les gants empoisonnés, de sinistre mémoire. Les gants ne servent plus de cadeaux diplomatiques, et le gantelet de fer du chevalier est devenu le gant de coton du fantassin ; mais les gants contemporains sont sans doute mieux ajustés et il est certain que leur nombre augmente : en France, de 1830 à nos jours, la production annuelle a passé de 10 à 30 millions de paires.


Vte G. d’AVENEL.