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s’instruire des affaires. La conférence devint tous les jours plus longue, et, un beau soir, les portes se fermèrent au grand scandale de toute la cour, et ne se rouvrirent plus. A Rueil, elle voulut le faire monter auprès d’elle dans sa petite voiture de jardin. Mazarin eut la sagesse de refuser, et l’étourderie de raccompagner le chapeau sur la tête, « dont tout le monde était étonné (septembre 1644). » Quelques semaines plus tard, tout Paris savait à qui était destiné certain appartement en réparation au Palais-Royal, avec passage secret pour aller « commodément » chez la reine. Afin que personne n’en ignorât, la Gazette du 19 novembre avait publié le communiqué suivant : — « La Reine a remontré en plein conseil qu’attendu l’indisposition du cardinal Mazarin, et qu’il lui fallait tous les jours passer avec grande peine tout au travers de ce grand jardin du Palais-Royal[1], et voyant qu’à toute heure il se présentait de nouvelles affaires pour lui communiquer, elle trouvait à propos de lui donner un appartement dans le Palais-Royal, afin de conférer plus commodément avec lui de ses affaires. L’intention de Sa Majesté a été approuvée par MM. les Ministres et avec applaudissement, de sorte que, lundi prochain (21 novembre). Son Éminence doit en prendre possession. » L’indiscrétion d’Anne d’Autriche finissait par gagner le favori. Il se permit deux fois, à Rueil et à Fontainebleau, de déloger la Grande Mademoiselle pour se rapprocher de la reine. La première fois. Mademoiselle dévora l’affront et fut chercher un gîte dans le village. La seconde, la patience lui échappa. — « Le bruit de Paris, écrivait d’Ormesson, est que Mademoiselle a parlé hardiment à la Reine sur ce que le cardinal voulait prendre son appartement pour en être plus proche (septembre 1645). »

Plusieurs historiens croient à un mariage secret entre la régente et son ministre. Il n’en existe aucune preuve, à moins d’accepter pour telle une lettre ambiguë du cardinal à la reine, sur les gens qui cherchent à lui faire « du mal » dans son esprit. — « Ils n’y gagneraient rien, dit Mazarin, parce qu’enfin [le cœur de la reine et celui de Mazarin[2]] sont unis ensemble par des liens que vous-même êtes tombée d’accord plus d’une fois avec moi

  1. Il habitait un palais qui est devenu la Bibliothèque nationale.
  2. Les mots entre parenthèses sont en chiffres ou en langage convenu dans l’original. Nous suivons pour cette correspondance la traduction donnée par M. Havenel dans son édition des Lettres du Cardinal Mazarin à la Reine, etc.