Page:Revue des Deux Mondes - 1900 - tome 160.djvu/788

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

dit Chantelauze[1], avait mis, en quelque sorte, la simonie en honneur : il ne distribuait jamais de bénéfices aux plus dignes et aux plus vertueux, mais aux plus offrans ou à ceux qui se dévouaient corps et âme à sa politique. » M. Vincent se mit en travers des mauvais choix, et il réussit d’abord, avec l’appui de quelques prélats influens, et de gens de bien des deux sexes formant ce que la cour baptisa « le parti des saints, » à empêcher beaucoup de nominations scandaleuses, en éveillant les scrupules de la régente. Les carnets de Mazarin renferment de nombreuses allusions à l’impatience que lui causait l’intervention de ce bonhomme dans ses affaires. Le cardinal se promit de se débarrasser du conseil de conscience, dès qu’il se sentirait assez fort. Il voulait « disposer à son gré et sans aucune contradiction des bénéfices, comme de tout le reste… et quelques années après (ce conseil) fut entièrement aboli, à cause que le père Vincent, qui en était le chef, étant un homme tout d’une pièce qui n’avait jamais songé à gagner les bonnes grâces des gens de la cour dont il ne connaissait pas les manières, fut aisément tourné en ridicule[2]. » C’était le temps où Anne d’Autriche ne savait plus résister à son ministre. Maître de la feuille des bénéfices, Mazarin se fit la part du lion ; vers la fin de sa vie, il « avait réuni sur sa propre tête l’évêché de Metz et plus de trente gros bénéfices d’un revenu considérable[3] ; le reste avait été aux a plus offrans. » Le père Vincent était complètement battu pour la réforme du clergé.

A côté de ces trois chevaliers de la foi, François de Sales, M. de Bérulle et Vincent de Paul, et en communauté de vues avec eux sur la morale, sinon sur le dogme, le sévère Saint-Cyran et Port-Royal apportaient au relèvement religieux le puissant appoint de leur ferveur, presque terrible dans sa magnificence chez l’auteur des Lettres chrétiennes et spirituelles, plus touchante, bien que toujours grave et saine, chez les religieuses et les solitaires du couvent fameux. C’est à l’influence de Saint-Cyran que me paraît convenir tout particulièrement la Pensée de Joubert : — « Les jansénistes ont porté dans la religion plus d’esprit de réflexion et plus d’approfondissement ; ils se lient davantage de ses liens sacrés ; il y a dans leurs pensées une austérité

  1. Saint Vincent de Paul et les Gondi.
  2. Motteville.
  3. Chantelauze, loc. cit.