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définitivement, et encore ! que dans le dernier tiers du XVIIe siècle, pour reparaître au suivant « plus clarifié, mais non moins puissant[1]. »

La « ville » s’était toujours mieux défendue que la cour contre le libertinage d’esprit, et l’on sait qu’elle comprenait, avec la bourgeoisie haute et moyenne, une certaine quantité de noblesse d’excellente souche, qui s’abstenait d’aller au Louvre ou au Palais-Royal parce qu’elle n’y aurait pas eu, faute d’une charge ou d’un titre, le rang auquel sa qualité lui donnait droit ; Mme de Sévigné n’était pas « de la cour » ; elle ne fut jamais que « de la ville. » Le monde parlementaire, qui avait un pied à la cour et l’autre à la ville, avait conservé, à le prendre en gros, beaucoup de religion et de tenue morale ; il y a plaisir à pénétrer avec Olivier d’Ormesson, par son Journal, dans l’un de ces intérieurs intelligens et sérieux où la piété, la gravité des mœurs étaient de tradition et de règle. Les mêmes remarques s’appliquent aux parlementaires de la province. En général, la bourgeoisie française n’avait pas encore été libre penseuse, sauf quelques infiltrations datant du règne de Henri IV, et le peuple des villes était resté plus ou moins pratiquant ; celui de Paris avait même gardé de la Ligue un grand attachement à ses curés.

Malgré ces points lumineux, l’ensemble du tableau était tout propre, dans les commencemens de Louis XIII, à inspirer l’horreur du monde aux créatures de foi ardente et d’esprit mystique, comme il y en a toujours eu en France. On a déjà vu qu’elles se jetaient dans les cloîtres ; mais c’était trop souvent pour y retrouver les dégoûts spirituels et les scandales qui leur avaient fait fuir familles et amis. En dépit de réformes isolées, « la plupart des couvens et des abbayes n’en demeuraient pas moins livrés à une honteuse licence[2]. » De quelque côté que l’on tournât les yeux, les sujets d’humiliation et de douleur l’emportaient de beaucoup sur les autres pour les rares prélats « de foi et de zèle » disséminés dans les diocèses. Le contraste présenté par la France protestante leur rendait plus douloureuse encore la contemplation des plaies de leur propre Église ; il était tout à l’avantage des réformés.

Nous ne faisons ici que de l’histoire, et non de la théologie.

  1. Sainte-Beuve, Port-Royal.
  2. M. l’abbé Houssaye, Bérulle et l’Oratoire.