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et lui dis que, comme je n’avais jamais été interrogée, je ne savais pas répondre à ce qu’elle me demandait. M. le cardinal Mazarin, qui était de sang-froid et qui écoutait cela, remarquait tout ce que je disais et en riait… La conversation me parut longue ; les répétitions qui ne nous sont pas agréables paraissent toujours telles, et effectivement elle dura une heure et demie ; ce qui m’ennuya ; et comme je vis que, si je ne m’en allais, cela ne finirait point, je dis à la Reine : « Je crois que Votre Majesté n’a plus rien à me dire. » Elle me répliqua que non : je fis la révérence, et sortis assez victorieusement de ce combat, mais fort en colère. Comme je sortais, l’abbé de La Rivière voulut me parler ; je déchargeai ma colère contre lui, et m’en allai chez moi, où la fièvre me prit. »

Mademoiselle a négligé de nous dire qu’avant de se retirer, elle avait fait une algarade à l’imprudent Gaston, qui avait voulu glisser un mot pour appuyer la reine. — « Elle reprocha à Monsieur, rapporte Mme de Motteville d’après Anne d’Autriche, que s’il avait voulu, il l’aurait mariée à l’Empereur ; et lui sut marquer qu’il lui était honteux de n’être pas son protecteur dans cette occasion, où il semblait que sa gloire était attaquée. »

Les courtisans avaient écouté avec beaucoup de curiosité de la pièce voisine, sans parvenir à distinguer les paroles. — « Nous entendîmes, poursuit Mme de Motteville, le bruit des accusations et de la défense ; et, quoiqu’il n’y eût que trois personnes qui parlassent, le ministre n’ayant point voulu montrer en cette rencontre qu’il eût part à la réprimande, le vacarme fut si grand, que nous, qui étions dans le cabinet voisin, demeurâmes occupés du désir de savoir le succès et le détail de cette querelle. Mademoiselle sortit de ce lieu avec un visage plus altier que honteux, et ses yeux paraissaient plus remplis de colère que de repentir… La Reine me fit l’honneur de me dire le soir que, si elle avait eu une fille qui l’eût traitée de même manière que Mademoiselle avait traité son père, elle l’aurait bannie de la cour pour jamais, et l’aurait enfermée dans un couvent. »

Le lendemain, l’on mit des gardes aux portes de ses appartemens, ce « qui était une manière de prison, » et La Rivière lui vint défendre de la part de Monsieur « de voir qui que ce fût, qu’elle n’eût confessé tout ce qu’elle savait… ; mais elle demeura toujours ferme et constante dans la négative. » Elle tint bon dix jours, quoique malade de chagrin. On ne parlait d’autre chose