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Néanmoins, et ces réserves faites, comme, après tout, les idées élevées et généreuses ont en elles-mêmes une vertu féconde, même lorsque les oscillations des hommes et les obstacles matériels ont entravé leur marche et restreint leur étendue, un grand événement s’était accompli : l’affranchissement d’un groupe chrétien considérable, l’annexion de la Thessalie, étaient entrés désormais dans le droit public européen. Et ce fait est devenu évident plus tard, lorsque, malgré les épreuves que la guerre avait infligées à la Grèce, les Puissances ont empêché la Turquie victorieuse de récupérer la province que le Traité du 24 mai 1881 avait irrévocablement séparée de l’Empire. Assurément la situation de l’Épire et de la Macédoine en face du développement slave et bulgare reste précaire et complexe, et il se présente de ce côté bien des ténèbres devant le siècle qui s’ouvre : mais enfin l’intervention européenne, fidèle à l’inspiration du Congrès, a défendu la cause du plus faible et de la liberté, et elle a su préserver son œuvre. Il est juste de savoir gré à la diplomatie de cet effort, et d’estimer à toute sa valeur politique et morale un succès dû à l’initiative française et à l’action unanime des grandes Cours. A l’heure actuelle, surtout, où d’autres populations, soit en Orient, soit ailleurs, sont moins heureuses que ne l’ont été alors les Hellènes de la Thessalie, la Grèce doit se féliciter d’avoir rencontré des sympathies qui ne se prodiguent pas, et, ce qui est plus rare encore, un concours efficace et persévérant.


Cte CHARLES DE MOÜY.