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Congrès de Berlin se trouvait ainsi achevée après trois ans d’efforts. Le Traité ne réalisait qu’une partie des intentions primitives, mais enfin l’Europe avait rattaché à un État chrétien une province chrétienne, associé des populations de même race suivant le principe des nationalités, et, momentanément du moins, pacifié la péninsule des Balkans.


IX

C’était l’honneur de cette longue campagne. Mais, si maintenant, après avoir constaté l’importance indéniable du résultat, on examine l’ensemble des négociations qui se sont succédé pendant cette laborieuse période, on devra, je crois, reconnaître qu’elles ont été bien défectueuses, et qu’elles n’ont pas été conduites avec la sûreté de vues et la fermeté de main qu’on est fondé à attendre du concert international. Si nous récapitulons les divers incidens que nous avons étudiés, nous verrons les Puissances tantôt hautaines et entreprenantes au point de ne pas même s’occuper des répugnances ottomanes, tantôt reculant devant elles jusqu’à leur devenir trop complaisantes, surexcitant tour à tour et rebutant les espérances grecques, s’embarrassant elles-mêmes et s’aventurant à travers des raisonnemens qui semblaient démentir leur propre langage. Elles ont un instant failli perdre la direction de l’affaire qu’elles avaient engagée et paru douter de leur force et de leur droit. Lorsque, à la dernière heure, elles se sont montrées clairvoyantes et résolues, encore ont-elles dû substituer à la solide frontière délimitée par leurs représentans une combinaison arbitraire et incorrecte qui laissait en présence, sur un terrain mal constitué, les rancunes défiantes de la Porte et les ambitions des Hellènes. De sorte qu’après avoir été tenues longtemps en échec, elles n’ont obtenu qu’une demi-victoire. Or, tout se retrouve en politique, et l’avenir devait prouver une fois de plus qu’il ne faut pas se fier aux transactions boiteuses et aux résignations transitoires : on a vu en effet, cinq ans plus tard, en 1886, la paix menacée par une nouvelle crise turco-grecque, et nous venons d’assister, il y a trois ans, au douloureux spectacle d’un de ces conflits sanglans que le hasard des événemens et une mauvaise délimitation des territoires limitrophes provoquent si aisément chez des peuples voisins et rivaux.