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Je suis heureux de dire ici que M. Barthélémy Saint-Hilaire comprit comme nous la nécessité de clore un débat stérile. Il avait été entraîné par les tendances de son esprit philosophique à trop développer une discussion spéculative ; mais, justement ému des dangers qui pouvaient compliquer inopinément l’œuvre commune, il estima, avec une véritable sagacité politique, qu’il était temps de provoquer une solution par les procédés pratiques de la diplomatie. Sans abandonner son opinion personnelle, il en laissa de côté la manifestation didactique, et mit en avant une combinaison irréprochable dans la forme, susceptible assurément d’amener l’entente jusqu’alors cherchée en vain. Il proposa, par une circulaire du 10 décembre, de tout remettre à un arbitrage souverain des Cabinets médiateurs. C’était un projet très acceptable, qui avait le double avantage de soustraire la question aux appréciations passionnées des deux adversaires et de leur donner la garantie de l’équité de l’Europe. La question entrait ainsi dans une nouvelle phase, et il était permis d’entrevoir un accommodement. Il est vrai, que la règle substantielle de l’arbitrage étant l’adhésion anticipée et formelle des parties au verdict éventuel, leur consentement à cette procédure demeurait aléatoire : la Porte devait prévoir d’inévitables sacrifices et la Grèce renoncer d’avance à la revendication totale des territoires qu’elle avait cru obtenir. Mais enfin, comme, — en retournant le raisonnement, — la Turquie était certaine que l’arbitrage lui offrirait des conditions préférables à celles de l’Acte final, et la Grèce assurée ainsi d’acquisitions très étendues, il y avait lieu d’espérer qu’on parviendrait à les convaincre. Les Cabinets, quel que fût le scepticisme de plusieurs d’entre eux à cet égard, résolurent, faute de mieux, de suivre cette voie. Les ambassadeurs à Constantinople et les ministres à Athènes reçurent donc en même temps l’ordre de faire tous leurs efforts pour que les deux États intéressés souscrivissent à ce moyen terme. Mes collègues et moi, tout en appréciant les chances de succès qui nous étaient indiquées, n’en gardions pas moins quelques inquiétudes sur l’accueil qui serait réservé en Grèce à nos démarches instantes.

La proposition étant d’origine française, je devais la présenter le premier à M. Coumoundouros. Je le trouvai, comme je le pensais bien, fort mal disposé au début de l’entretien. La polémiqué précédente l’avait blessé, et il n’envisageait qu’avec répugnance