États intéressés n’aboutirait à un accord. Les Turcs renouvelèrent leur opposition fondamentale à toute annexion, ou n’offrirent que quelques districts en se réservant de les restreindre encore : le protocole n’était à leurs yeux qu’une vaine formule. Les Grecs, au contraire, se croyaient fondés à élargir cette base, puisqu’elle n’était plus considérée comme fixe : ils réclamaient donc la chaîne de l’Olympe et le faîte extrême des hauteurs septentrionales, tandis que la Porte ne concédait que les hauteurs méridionales, excluant les vallées en cause, si bien que, dans cette hypothèse presque ironique, la Grèce n’aurait eu que la vue de la Thessalie et de l’Épire. Vainement, à la dernière heure de ces stériles entretiens, M. Waddington suggéra, dans l’espoir d’en finir, de substituer la ville de Metzovo à Janîna qui resterait aux Turcs ; ce projet mixte ne satisfit personne : il était clair que, bon gré mal gré, on devait en venir à l’ingérence directe de l’Europe, en un mot, à la médiation. Les Puissances hésitaient cependant encore, et l’année 1879 se termina avant qu’elles fussent parvenues à s’y résoudre.
Sur ces entrefaites, une crise ministérielle, amenée par des incidens de politique intérieure, se produisit en France. M. de Freycinet remplaça M. Waddington aux Affaires étrangères et à la présidence du Conseil. Heureusement pour la Grèce, le nouveau ministre ne lui était pas moins favorable que son prédécesseur. Son esprit élevé et délicat s’inspirait des mêmes traditions libérales. Il apprécia sur-le-champ la situation avec le plus ferme jugement, la sagacité la plus prudente. Sans désavouer ouvertement la dernière proposition de M. Waddington, il se montra fort résolu à ne pas laisser la question s’égarer davantage en dehors des principes posés à Berlin et se dénaturer par des interprétations vagues. Le Cabinet anglais, livré aux oscillations réitérées d’une diplomatie incertaine, gênait sensiblement nos efforts : tandis que nous soutenions avec énergie que le tracé de Berlin, même avec l’amendement de Metzovo, était une « délimitation rationnelle » et conforme à la pensée des Cours, lord Salisbury en revenait à considérer l’initiative du Congrès comme un « simple conseil, » puis, s’écartant de ce système, invoquait « l’action morale de l’Europe, produite avec décision ; » puis, enfin, changeant de tactique au moment où on le croyait rallié à la médiation directe, demandait la nomination d’une commission technique, qui eût entraîné de nouvelles lenteurs en remettant l’affaire à des agens subalternes.