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de la compétence » du Cabinet d’Athènes, mais nous lui présentions la certitude d’une acquisition déterminée. Les plénipotentiaires ottomans ne s’y méprirent point, car ils repoussèrent également le projet anglais et le nôtre : le premier, parce qu’il autorisait l’ingérence d’un État étranger dans leurs affaires intérieures ; le second, parce qu’il visait directement la situation de deux provinces de l’Empire.

Les Puissances hésitaient entre les deux opinions : l’Autriche-Hongrie et l’Italie, sous prétexte « de donner plus de latitude à la délibération, » se ralliaient à lord Salisbury, Le prince de Bismarck, craignant précisément d’ouvrir un trop vaste espace aux réclamations grecques, approuvait, au contraire, le texte français ; le prince Gortchakof en jugeait de même, peu soucieux évidemment d’autoriser un autre État que la Russie à protéger les chrétiens d’Orient. Enfin, le Congrès, après un scrutin où les voix se trouvèrent également partagées, convint |de considérer la proposition anglaise comme un amendement qui n’avait pas eu la majorité, et adopta la nôtre. Il demeura donc entendu que les délégués hellènes ne seraient admis que dans la séance où l’on discuterait la rectification des frontières. C’est ainsi qu’en refusant à la Grèce une faveur injustifiée et d’une portée mal définie, nous lui rendions un signalé service ; elle se trouvait sur un terrain circonscrit, il est vrai, mais très favorable : l’Europe, en l’invitant à traiter exclusivement devant elle la question territoriale, autorisait par cela même toutes ses espérances. Son objectif était concentré, mais c’était l’Épire et la Thessalie.


II

Les deux plénipotentiaires hellènes estimèrent sur-le-champ, et à toute sa valeur, l’excellente situation qui leur était faite, et conformèrent exactement leur attitude et leur langage aux intentions des Cours. Ils étaient, d’ailleurs, l’un et l’autre, parfaitement capables d’agir avec finesse et sûreté. Le chef de mission, M. Th. Delyannis, homme d’État avisé, éloquent et de formes gracieuses, avait appris, par une longue pratique de la vie parlementaire, l’art de s’accommoder aux circonstances, de ne vouloir que le possible, et de saisir les chances heureuses. Il occupait alors sur la scène politique de son pays un rang, sinon aussi élevé