la question grecque, comme en toute autre, l’arbitre souverain de la paix orientale. Quant à l’Autriche-Hongrie, constamment défavorable jusqu’alors à la cause hellène, il lui eût été impossible de maintenir avec autorité la doctrine du statu quo, au moment même où elle se concertait avec les Puissances pour la remise entre ses mains de l’administration de la Bosnie et de l’Herzégovine. C’est ainsi que, sans être converties à l’hellénisme tel qu’on le comprend à Athènes, toutes les Cours étaient bien disposées pour la Grèce, et inclinaient à préférer des combinaisons flexibles et opportunes aux rigides systèmes d’autrefois.
Leurs tendances se manifestèrent sur-le-champ. Dès sa première séance pratique, le Congrès évoqua l’affaire grecque et discuta même, non pas seulement si les délégués hellènes seraient entendus, — ceci était accepté d’avance, — mais encore s’ils assisteraient à toutes les séances où il serait question de leur race et s’ils prendraient part à la délibération. Une proposition aussi excessive indiquait clairement à quel point leurs intérêts étaient sympathiques à la haute assemblée, et il s’en fallut de peu qu’elle ne fût accueillie. Lord Salisbury la soutint par des réflexions bien flatteuses pour l’amour-propre des Hellènes. Il attribua au royaume, en ce qui concernait les populations congénères, un rôle analogue à celui des Russes vis-à-vis des Slaves, et fit remarquer que, ceux-ci ayant pour avocat un puissant Empire, il était juste que les sujets hellènes de la Turquie fussent défendus au Congrès par les représentans de la Grèce libre. Cette thèse inattendue offrait sans doute au Cabinet d’Athènes la perspective séduisante d’une intervention morale, mais on remarquera qu’elle ne spécifiait pour lui aucun accroissement matériel : elle le conviait à des développemens oratoires, mais ne lui assurait rien de solide. Les plénipotentiaires français, mieux inspirés, en aperçurent aussitôt le péril ou plutôt la stérilité. Repoussant la motion anglaise, qu’ils estimaient trop vague, ils proposèrent de recevoir, sans doute, les délégués, mais seulement « lorsqu’il s’agirait de fixer le sort des provinces limitrophes du royaume. » Cette rédaction paraissait restreindre le champ d’action de la Grèce, mais en réalité elle servait mieux ses ambitions territoriales et immédiates, en donnant un but précis à la discussion future et en indiquant d’avance l’éventualité d’une modification de la frontière. Nous voulions, comme l’a dit ensuite M. Waddington, éviter « de trop agrandir la sphère des observations et