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secrétaire du Congrès et de la Conférence de Berlin, et, ultérieurement, comme ministre à Athènes, je puis les retracer avec exactitude à l’aide des documens publics et de mes souvenirs personnels, et j’espère, après vingt ans écoulés, être en état de les apprécier avec une complète impartialité.


I

La question des frontières helléniques, si mal délimitées en 1830 que le prince Léopold, devenu depuis roi des Belges, avait pour cette raison refusé le trône de Grèce, était restée depuis lors une de ces affaires que la diplomatie s’attache à écarter, ne sachant comment les résoudre. En face d’intérêts difficiles à concilier au gré des deux États en cause et des combinaisons internationales, les grandes Cours avaient préféré s’en remettre au temps et à l’action des éventualités inconnues. Cependant la Grèce n’avait cessé de revendiquer une extension de territoire au Nord, en invoquant sa sécurité extérieure, l’avenir de sa race, et la stabilité de sa situation politique. Elle s’était agitée en ce sens chaque fois que l’Orient avait été troublé. Ses velléités conquérantes, au moment de la guerre de Crimée, avaient amené la France et l’Angleterre à occuper le Pirée : depuis, elle avait trompé son activité par de stériles luttes parlementaires et par une révolution dynastique, tout en épiant, avec une anxiété croissante, les incidens plus ou moins graves qui se produisaient dans le Levant. Enfin, au cours de la guerre turco-russe de 1877-1878, elle avait, malgré les Puissances, accentué son attitude. Après quelques démonstrations offensives en Thessalie, tout en reculant devant les injonctions des Cabinets, elle avait eu soin de donner à sa retraite l’apparence d’une concession dont ils devaient lui savoir gré. Cette habile manœuvre devait avoir de grosses conséquences : par ce témoignage calculé de confiance en l’Europe, la Grèce profitait, pour la première fois, d’une chance favorable à ses ambitions. Il lui était sans doute impossible de dire qu’on lui eût promis autre chose qu’une bienveillance générale, mais elle se flattait, non sans raison, d’obtenir, à la paix, de sérieux avantages, et, dès que les représentans des diverses Cours furent arrivés à Berlin, en juin 1878, pour le Congrès, elle sollicita hardiment l’accès de la haute assemblée.