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SOUVENIRS D’UN DIPLOMATE

L’ANNEXION DE LA THESSALIE
(1878-1882)

L’annexion de la Thessalie au royaume de Grèce a été l’un des accords qui, dans le dernier quart de ce siècle, ont le plus coûté d’efforts à la diplomatie, après avoir paru d’abord facile à conclure. C’est un épisode émouvant en lui-même, puisqu’il a résolu, au profit d’un État chrétien, l’un des nombreux problèmes de la question orientale ; mais il est aussi fort intéressant au point de vue spécial de la négociation qui a démontré, par ses péripéties et par son dénoûment, combien ce qu’on appelle « le concert européen, » lors même qu’il paraît établi et confirmé par des déclarations unanimes, reste encore susceptible de fluctuations, de subtilités et de réticences. On verra, je crois, par le récit qui va suivre, les inconvéniens et les dangers d’une politique indécise entre le droit ancien et le droit moderne, poursuivie pendant trois ans à travers des contradictions assez étranges et des débats confus où la paix de l’Orient et la dignité des Puissances ont été parfois en péril. Faute de direction précise, de prudence au début, et, plus tard, de clarté dans l’expression d’une volonté ferme, l’Europe a failli paralyser ses propres décisions, et n’a réalisé qu’incomplètement sa pensée première. Ayant suivi le cours des faits dès leur origine jusqu’à leur fin, en qualité de