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iii

Telle est l’orientation historique des sociétés secrètes chinoises. Mais les événemens présens nous indiquent un revirement des plus curieux. Le mouvement boxeur, si nettement anti-occidental, n’est plus anti-mandchou ni anti-dynastique. Les Sociétés secrètes se sont réconciliées avec la cour et agissent d’accord avec elle. Un correspondant du Times, qui signe Shangai, raconte, d’après la presse chinoise, que les drapeaux de « l’association » portent pour devise : « Vive la dynastie, à la porte les étrangers ! » Un Français attaché à l’exploitation des chemins de fer de la concession franco-belge de Pékin à Hang-Tchéou confirme ce renseignement dans une lettre qu’un de ses amis a communiquée à la Liberté. La devise des Boxeurs, dit-il, est la suivante : « Pao-Sing, Mie-Yang, » soutenir la dynastie, exterminer l’étranger. Enfin, si le manifeste des Boxeurs publié par nos journaux est authentique, ses auteurs tiennent l’extermination des diables de l’Occident comme propre à « rendre à jamais prospère l’élégant empire de la dynastie du grand Ching. »

La dynastie — c’est-à-dire, en l’espèce, l’Impératrice douairière — n’a pu moins faire que de reconnaître de pareils procédés. Dès le début, la presse européenne a signalé la faiblesse du gouvernement pour les Boxeurs. Qu’on se rappelle que le mouvement fut organisé dans le Chan-Toung par le gouverneur Yu-Shien. Lorsque Yu-Shien fut déplacé sur la demande du gouvernement allemand (et ce fut un déplacement sans disgrâce, dans un poste équivalent), son successeur, Shik-Kaï, persévéra avec sérénité dans sa politique et n’en ressentit, quant à son crédit, nul mauvais effet. On a justement remarqué que jamais les mandarins n’auraient tenté ni accompli impunément une pareille entreprise, sans être couverts par les ordres secrets de la Cour. Mais la marque de complicité la plus évidente se rencontre dans les édits rendus par l’Impératrice, lors de l’insurrection. Mentionnons ici les principaux de ceux qui ont été relevés par les journaux d’Europe.

Premièrement, l’Impératrice, forcée de donner un semblant de satisfaction aux gouvernemens étrangers, lance un décret contre les Sociétés secrètes ; mais, ce décret est conçu en termes équivoques et excepte expressément les groupemens salutaires qui ont pour objet les exercices corporels et la préparation au service militaire ; soit les Turn-Vereine ou Sociétés de gymnastique. On a cru et dit que cette exception visait la Société des Boxeurs. Cela ne s’accorde pas avec