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culièrement le continent austral tout entier, est appelée l’inlandsis. C’est aussi une espèce de glacier. On sait que la glace est plastique ; et que, soumise à de fortes pressions, elle se comporte à la façon d’un corps mou. Elle s’adapte à la forme des creux qui la reçoivent, gorges ou vallées profondes. Il en résulte que, sur une surface donnée, même parfaitement plane, il ne peut s’accumuler qu’une quantité limitée de glace. Au delà d’une certaine épaisseur, et sous l’influence de son propre poids, la masse se fluidifie et s’écoule lentement et progressivement sur les bords ; ceux-ci forment une sorte de falaise de glace qui s’effrite en blocs, poussés à la mer par la nappe fluide qui est derrière. La grande muraille de glace que Ross a aperçue et qui avait effrayé Cook en 1770 n’est sans doute pas autre chose qu’un front de glacier de ce genre. C’est de quelqu’une de ces formes de glaciers que proviennent vraisemblablement les grands icebergs tabulaires qui caractérisent la région antarctique. Leur nombre considérable et leur dissémination dans toutes les parties polaires de l’Océan austral prouvent la grande extension des terres fermes et fournissent un nouvel argument en faveur de l’hypothèse d’un continent polaire.

Quel qu’ait pu être le relief primitif du sol de ce continent, les chutes de neige en ont comblé les anfractuosités ; et, finalement elles en ont fait un seul et immense champ de neige qui a tout englouti et tout nivelé, pour l’œil de l’observateur, vallées et montagnes. M. Arctowski et ses compagnons ont eu, une ou deux fois, des hauteurs de la Terre de Danco, qu’ils avaient escaladées, la vision de cette nappe indéfinie, l’inlandsis arctique, qui forme à l’horizon une ligne imperturbablement uniforme.


VII

Le projet primitif de M. de Gerlache consistait à traverser la banquise, si cela était possible, dans l’espoir de trouver au delà une mer libre baignant les côtes du continent austral. Dans ce cas, une partie de la mission aurait pu être laissée sur la terre glacée pendant la saison d’hiver, tandis que la Belgica, revenant en arrière, aurait attendu, dans un port hospitalier, le retour de la belle saison. On aurait profité du second été pour aller relever la mission.

L’expérience a prouvé que la banquise ne se laisse pas si facilement percer. Dès le premier moment elle se referma sur le