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Nord. Les faces en sont plus ou moins déprimées pour former les cuvettes des océans. D’autre part, la masse des eaux, dont la surface est celle d’un sphéroïde, noie ce solide terrestre de manière à ne rien laisser saillir, que les trois arêtes continentales et la pointe antarctique.


Cette conception de la configuration générale de la terre et des eaux est due à un savant anglais, M. Lowthian Green, qui l’a exposée en 1875 et a travaillé à la justifier depuis, avec un certain succès. Elle est connue sous le nom d’hypothèse « tétraédrique, » parce que la pyramide triangulaire est appelée, en géométrie, tétraèdre. Mais ce qu’il y a d’hypothétique dans cette conception, c’est moins la comparaison du solide terrestre à un tétraèdre que l’explication des moyens par lesquels l’écorce primitivement sphérique de notre globe a été amenée à cette forme singulière. C’est le refroidissement progressif du globe qui aurait produit cette métamorphose. Par suite de la rétraction du noyau terrestre, qui en a été la conséquence, l’écorce, relativement mince, n’étant plus soutenue, a fléchi. Elle s’est comportée alors, selon la comparaison familière et très juste de M. Lallemand, comme la membrane de caoutchouc d’un ballon qu’on dégonfle avec précaution, dont les bosselures et les dépressions reproduisent, en effet, sensiblement la figure d’un tétraèdre. Cette déformation de la croûte terrestre s’est accompagnée de fractures de surface, d’effondremens et d’accidens divers alignés suivant les directions de moindre résistance. Telle est la théorie géogénique qui, jusqu’à ces derniers temps, a régné dans la science. Elle a remplacé la doctrine surannée, et d’ailleurs controuvée, d’Élie de Beaumont, connue sous le nom de théorie du réseau pentagonal.

La supposition qu’il existe un continent polaire austral est donc une conséquence de la théorie géogénique du tétraèdre. Elle est la conséquence aussi d’une loi très générale qui semble dominer la morphologie de notre globe, d’après laquelle, à toute proéminence de la surface correspond, aux antipodes, c’est-à-dire à l’extrémité opposée du même diamètre, un accident contraire, un défoncement. Cette loi de l’opposition diamétrale réciproque des saillies et des dépressions, que M. de Lapparent a bien mise en lumière, ne souffre guère d’exceptions ; ou, s’il s’en présente, elles sont explicables par des perturbations intercurrentes. On