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devra donc consister à préciser la configuration de ce continent glacé, dont les icebergs et la banquise défendent presque partout l’accès. Il faudra en déterminer les fonds et en dessiner les côtes. Jusqu’à présent, on n’en a abordé que des points isolés. On ne sait pas si ces rivages, aperçus par fragmens, appartiennent à des îles ou à la vaste masse continentale dont on admet l’existence. Ces seuils solides où les navigateurs les plus heureux sont venus se heurter, de loin en loin — la Terre Adélie, découverte en 1840 par Dumont d’Urville, la Terre Sabrina, la Terre d’Enderby, la Terre de Graham, la Terre Victoria — sont-elles les rivages d’un continent ou d’un archipel polaire ? Forment-elles au pôle Sud une ceinture plus ou moins continue, ou se résolvent-elles en îlots isolés ?

Ce qui est certain, c’est que les terres se multiplient et se concentrent à mesure que l’on avance plus près du pôle. Si l’on considère l’hémisphère austral, on constate que les terres émergées finissent très près de l’équateur. Le reste, jusqu’aux environs du cercle polaire, n’offre au regard qu’une immense étendue d’eau. Le continent africain se termine en pointe au cap de Bonne-Espérance à une latitude de 34°51′ : c’est-à-dire qu’il ne descend pas plus bas au-dessous de l’équateur que le Maroc ne remonte au-dessus. La Tasmanie, que l’on peut regarder comme le prolongement de l’Australie et du continent asiatique, ne se prolonge pas au delà du parallèle de 43° 30′, c’est-à-dire qu’elle n’arrive pas tout à fait à moitié chemin du pôle. L’Amérique du Sud, seule, détache son sommet, le cap Horn, à la hauteur du 56e parallèle ; et elle reste encore aussi éloignée du pôle Sud que l’Écosse l’est du pôle Nord. Au delà de ces trois saillies continentales, on ne rencontre plus, jusqu’au cercle polaire, c’est-à-dire jusqu’au 70e parallèle, que la masse immense des eaux antarctiques, où quelques rares îlots apparaissent comme des taches. Mais, dès que l’on a franchi le cercle, le spectacle change ; les terres reparaissent de toutes parts ; elles émergent de partout. C’est là le véritable continent austral ; sa masse se continue, sous les eaux, avec le reste du solide terrestre dont l’Asie-Australie, l’Afrique et l’Amérique forment les arêtes saillantes, visibles au-dessus de la surface des océans.

On peut, d’après cela, regarder la partie solide du globe comme une pyramide triangulaire dont un sommet affleure au pôle Sud et dont la base formerait le fond de la mer glaciale du