rien ! Ce n’est pas ainsi que disparaissent, dans la force de l’âge et dans la maturité du génie, les hommes dont les œuvres, — à tort ou à raison ; il n’importe, — ont passionnément occupé l’attention de leurs contemporains. Quand ils meurent, on le sait ; et la curiosité les accompagne au moins jusqu’à la tombe. Mais l’auteur de Pantagruel ! En vérité, si nous n’avions pas l’épitaphe éloquente et irrespectueuse de Ronsard ; si nous n’avions pas les anathèmes dont Calvin, dans son traité des Scandales, en 1550, dont Théodore de Bèze, dans un passage que nous avons cité, et Henri Estienne, dans son Apologie pour Hérodote, en 1566, ont accablé sa mémoire, — ce même Henri Estienne que l’on a quelquefois soupçonné d’être l’auteur du Quart Livre de Pantagruel, — il nous faudrait franchir un demi-siècle, je ne dis pas pour lui trouver des juges, de vrais juges, mais pour trouver qui parle de lui ; et, sans doute, il y a lieu de s’en étonner. Non seulement le vrai Rabelais, le Rabelais réel, a singulièrement différé du caractère de son œuvre, mais, à son tour, et par une autre singularité, la réputation ou la fortune de cette œuvre n’a pas moins différé, si l’on peut ainsi dire, de la nature, mais surtout du degré de son mérite.
Ses idées n’ont pas rencontré plus de faveur ou d’accueil que lui-même. Ce n’est pas ici le lieu de discuter sa pédagogie, que l’on a, selon nous, trop vantée, nous l’avons dit, et tout ce que nous ajouterons, c’est que, si Rabelais a parlé sérieusement, on ne saurait guère en concevoir de plus chimérique. Instruire en amusant, et, de l’effort ou de la fatigue même, qui sont nécessairement inséparables du travail, qui le sont encore plus du profit qu’on en tire, essayer de faire un divertissement ou un plaisir ; regarder comme un crime, je ne dis pas de contraindre ou de réprimer la nature, mais de la corriger seulement, et au contraire aider, favoriser, provoquer au besoin ce que l’on a de nos jours appelé « le développement de toutes nos puissances, » comme si chacun de nous n’en apportait en naissant que de bonnes ; faire d’ailleurs de la santé physique la condition et la base physiologique du progrès intellectuel, si ce sont bien là les principaux articles de la pédagogie de Rabelais et s’il n’y en a pas de plus impraticables, nous serions obligés pour le montrer d’entrer en de trop longs, en de trop nombreux, en de trop minutieux détails. Nous ne connaissons pas de leçons de choses qui ne doivent demeurer de véritables « Leçons », et fût-elle