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Les fragiles Swastika de bambou des chemins du Laos sont un emblème religieux et bouddhique. De même, à l’entrée du village de Patang, de petites boîtes longues en bambou, posées à terre, sont remplies de petites salades vertes en feuilles coupées ; et on m’explique que c’est pour demander la guérison des maladies. Un grand arbre sacré est entouré de nombreux bambous piqués en terre, à la manière d’un plant de rosiers ; quelques branchages ou fleurs sont posés dans les tubes de bambou, et des banderoles pendent de l’arbre. C’est encore un emblème religieux pour éloigner les mauvais esprits, chasser les maladies, préserver les buffles, ce qui sera peu efficace, vu l’odeur qu’exhale sous le vent quelque charogne voisine.

La bonzerie près de laquelle nous plantons notre camp est bien plus sale que les kiungs, les monastères bouddhiques du pays Shan, et bien mal m’en a pris d’accepter sous ma tente des nattes apportées en grand honneur. Elles paraissaient neuves, et renfermaient néanmoins une armée de ces insectes que de très ingénieux industriels ont trouvé moyen de présenter, pas en liberté heureusement, dans nos fêtes foraines.

A huit heures de Vien-Tian, nous traversons, dans la vase seulement jusqu’à mi-jambe, l’étang de Nong-Tha, qu’il nous faudrait tourner péniblement si nous étions à la saison des pluies ; et enfin nous atteignons Vien-Tian, par un soleil de 50 degrés, après neuf jours et demi de marche depuis Luang-Prabang.


L’ancien royaume de Vien-Tian s’étend en bordure sur le Mékong sur près de 350 kilomètres. C’est aujourd’hui un commissariat florissant, sous la direction d’un commissaire actif et intelligent, M. Morin. Partout où l’influence du fonctionnaire a pu s’étendre, dans ce grand territoire, on sent une vie, une activité plus grande dans les villages. Vien-Tian est la ville des fleurs ; faute de télégraphe, et à cause de la rapidité de notre marche, nous n’avons pu être annoncés qu’une heure à l’avance ; or, une heure après notre arrivée, toute la maison de l’aimable M. Morin était tapissée de fleurs. On a dévalisé la forêt ; des gerbes de fleurs sont nouées en éventail dans les plis des draperies, ou suspendues en pendentifs dans les baldaquins des arcades. Les tables, les murs sont chargés de verdure et de fleurs, que les indigènes excellent à arranger.

Et voici venir les mandarins, les Kromakanes, le Paya, gouverneur