Page:Revue des Deux Mondes - 1900 - tome 160.djvu/61

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

qu’il supposait être celle des visites, il sonna pour la seconde fois à la grille défendue contre la curiosité des passans par un volet qui du côté de la cour montait à hauteur d’homme. On ne voyait que la cime verdoyante de grands tilleuls taillés en charmille et un acacia qui par-dessus le mur éparpillait ses blancs pétales à tous les vents.

Lorsque la porte s’ouvrit, Robert aperçut en outre une jeune femme en robe claire assise sous les tilleuls, et de petits cris d’enfans frappèrent son oreille. Allait-il se trouver tout de suite, dès le premier pas, en présence de Marcelle ? Non, il ne reconnaissait ni cette natte blonde qui, négligemment nouée, pendait sur une épaule, ni cette voix rieuse.

L’étrangère était cependant installée comme chez elle et tout absorbée par son rôle de maman. Elle lançait une balle que poursuivaient à l’envi l’un de l’autre un bébé encore très peu solide sur ses jambes et un caniche noir qui n’avait pas de peine à l’atteindre le premier, et c’était ce succès répété du caniche qui provoquait de la part de l’enfant des cris tantôt de colère et tantôt de gaîté.

— Allons, Trick, rapporte, rapporte !

Comme Trick ne paraissait pas disposé à obéir, la jeune femme, une jeune fille plutôt, se leva d’un bond. Ce mouvement la mit en présence de Robert : elle courut à lui, un joli sourire d’accueil sur ses lèvres fraîches. Il hésitait :

— Comment ! est-il possible que vous ne reconnaissiez pas Nicole ? Nicole Ferrier ?…

— Pardon… C’est que je ne m’attendais guère à vous retrouver si grande, si…

Rougissante, elle arrêta le compliment qui la menaçait :

— Je suis la très proche voisine de Marcelle. Nous demeurons pour ainsi dire porte à porte et nous nous voyons beaucoup. Sa vie est occupée au point qu’elle n’a pas un instant à perdre, tandis qu’il y a dans la mienne bien peu d’intérêts. Elle me permet de l’aider à prendre soin de Rosette. Allons, mademoiselle, dites bonjour à votre oncle le capitaine.

Rosette, le pouce dans sa bouche, regardait l’étranger de tous ses grands yeux.

— Elle ne parle pas encore, dit Nicole, mais elle comprend beaucoup de choses : elle sera très intelligente.

— Voyons ! dit Robert.