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se sont mises à filer les jours de l’homme. Clotho, Lachesis, Atropos, redisent par leurs attitudes ce que Chronos indique par ses attributs. Ces figures, dont le XVIIe siècle poétise l’heure, s’unissent toutes pour nous en faire sentir la brièveté.

« Marche… marche… » dit le prédicateur, et les pendules de son temps répètent le même avertissement. Le bonheur de vivre devait à cette époque paraître bien grand pour que l’idée de la fuite des jours parût à l’orateur sacré si propre à frapper les pécheurs, et, aux décorateurs de pendules, si capables d’attirer l’attention. La supplication du poète contemporain : « Ô temps, suspends ton vol !… est déjà au fond de tous ces symboles. Il semble que l’avenir ne puisse apporter rien de plus beau à ce XVIIe siècle et que ceux qui l’ont connu sentissent qu’ils perdaient tout, en le perdant.

Mais regardons ce grand régulateur de Caffieri, dans la salle voisine des Grâces de Falconet, dressé en face de la pendule célèbre, comme le seul monument qui puisse, ici, lui disputer le privilège d’embellir l’Heure. Considérons l’art qui déploya sur son sommet le galop de Pyrois, d’Eoüs, d’Ethon et de Phlégon et qui fit croître à son pied Daphné changée en laurier par le soleil. Regardons la petite pendule de Gouthière où un trait échappé du carquois d’Eros jouant avec Zéphire, fait l’office d’aiguille. Voici les dieux nouveaux, toujours des dieux païens, mais des dieux de lumière, des dieux de joie, de jeunesse et d’amour : Apollon avait disputé l’Horloge à Chronos. Dans la grande horloge de Boulle à gaine d’écaille et de cuivre, qui est au milieu d’un salon au Petit Palais, vous voyez le Dieu du jour chassant devant lui, en éventail, ses chevaux d’or, tandis qu’au-dessus de sa tête s’arrondit le nimbe éclatant du cadran où se tiennent les Heures dans leur émail bleu, à égales distances comme dans le palais du soleil décrit par le poète : positæ spatiis æqualibus horæ. Sous Louis XV et sous Louis XVI, c’est partout que les dieux joyeux triomphent. On voit même des Bacchantes pendre, autour du cadran, la place autrefois dévolue aux Tempérances. Le petit Amour a dérobé au vieux Temps sa faulx. Il la brandit au-dessus de ce cartel de Caffieri qui est au Petit Palais. Il domaine le somment du cadran d’où Chronos est descendu, comme on le voit sur les pendules de Windsor et sur celle de la chambre de Louis XIV à Versailles. C’est lui, dorénavant, qui, découvrant