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politique et économique, une vie nationale et une vie internationale intenses, qui est une société largement développée, complètement épanouie. Par dégoût d’une politique incohérente et d’une législation médiocre, rendre aux cohues tumultuaires du peuple la législation et la politique, ne serait-ce pas véritablement, comme le personnage de la chanson, se noyer pour n’être pas mouillé ? Par lassitude du parlementarisme, tout abandonner à la démocratie directe, ne serait-ce pas revenir à une forme primitive et embryonnaire, laquelle non plus ne saurait convenir à notre Occident du XXe siècle, et qui, elle non plus, ne lui convenant pas, n’est donc point une solution ?

Mais voyons ; et, une dernière fois, reprenons point par point en partant des définitions. Le parlementarisme est un fait moderne, européen et occidental : signe apparent que c’est le régime qui conviendrait à nos pays en notre temps. C’est un régime d’équilibre entre les pouvoirs publics, qui suppose réalisées certaines conditions politiques et sociales, dont la plus indispensable est que, de ces pouvoirs, aucun ne soit trop fort, aucun ne soit pas assez fort. Et voici à présent la constatation des faits. Nulle part dans l’Europe continentale le parlementarisme-type ne paraît s’être acclimaté ; partout il a subi des déformations, et partout il a, au résumé, abouti à des désillusions. Ici l’exécutif est trop fort, et là il ne l’est pas assez : ou bien c’est le législatif ; mais partout, que l’exécutif soit d’ailleurs trop fort, ou pas assez, les Chambres font trop souvent scandale. Cause commune de ce mal commun : la médiocrité du personnel parlementaire, ayant elle-même pour cause l’imperfection des modes de suffrage. De ces définitions et de ces constatations doit sortir la conclusion ; il n’y a plus qu’à les serrer pour l’en tirer.

En ce qui concerne la France, la conclusion sera : Si, d’une part, le parlementarisme est le régime qui nous conviendrait, mais si, d’autre part, les pouvoirs publics n’ayant pas chez nous trouvé leur équilibre, ce n’est pas le parlementarisme que nous avons et ce n’en est qu’une contrefaçon indigne, pour le connaître et l’instituer enfin, il faut établir ou rétablir entre les pouvoirs l’équilibre rompu. Si cette rupture d’équilibre vient de ce que l’exécutif s’est atrophié, tandis que le législatif s’hypertrophiait, il faut retrancher du législatif ses usurpations, et rendre de la vie et de la force à l’exécutif. Si nos Chambres, — ou l’une de nos Chambres, — accomplissant inconsciemment la menace du