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du temps des Georges, ils ont rendu en « pouvoirs positifs » à leur Président ce qu’il avait de moins que les rois en « pouvoir imposant ; » et c’est ce qu’ailleurs on a moins bien vu.

Dans la république donc, la force du chef électif de l’État dépend étroitement du mode de son élection, et il en est ainsi de tous les organes de la vie nationale qui tirent de l’élection leur force et leur existence même. Si le Président de la République est élu par les corps élus, il sera ce que seront ces corps élus, qui seront ce que sera le corps électoral. Et les ministres, eux aussi, étant tirés des corps élus, seront ce que sera, en dernière analyse, le corps électoral. Mais le corps électoral sera ce que le feront toutes les influences qui agissent sur lui ; et il y en a de bonnes, mais il y en a de mauvaises. Il sera ce à quoi l’école l’aura préparé, ce que la presse lui suggérera, ce que les comités, l’administration et l’argent lui permettront d’être.

Le régime parlementaire suppose et appelle, — on n’ose pas dire une classe, toute idée de classe étant, ici et aujourd’hui, déplacée, — disons un personnel de gouvernement et de parlement, à tous les degrés instruit, compétent, indépendant, désintéressé, capable de supporter la contradiction, tolérant et qui « ne hurle pas à l’énoncé de propositions antipathiques. » En cela, il est vrai, — bien entendu jusqu’à un certain point, — que, originairement et essentiellement, le parlementarisme est un régime aristocratique ou bourgeois. De fait, c’est un régime taillé sur le patron de la monarchique et aristocratique Angleterre. Ce qui ne signifie point qu’il ne puisse pas être adapté à une république démocratique, mais ce qui signifie qu’il faut l’y adapter, et qu’on ne saurait l’y appliquer tel quel.

Comme le parlementarisme est un rapport variable entre facteurs variables, une position d’équilibre entre les divers organes de la vie politique de la nation, ainsi il peut être et il doit être un rapport, une position d’équilibre entre l’état social du pays et les institutions qui le régissent. Partout oh ce rapport ne se dégage pas, partout où cet équilibre est rompu, ou bien la tête entraîne les pieds, ou bien les pieds emportent la tête : le parlementarisme est faussé ; il n’y a pas de parlementarisme.


IV

Or, il est à croire que ce rapport ne se dégage manifestement nulle part, que nulle part cet équilibre ne s’est établi, dans l’Europe