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l’impuissance, non pas de ce parlement, non pas même des parlemens en général, mais du parlementarisme. Et néanmoins on se trompe sans se tromper : puisqu’il reste ceci de vrai que, dans la pratique du parlementarisme, telle qu’elle s’est établie à la longue chez nous, c’est en réalité le parlement qui gouverne, et qu’en réalité le gouvernement s’y confond presque avec le parlement. Mais ce qui n’est pas vrai, c’est que ce soit là, dans sa règle et dans sa loi, le parlementarisme : ce n’en est qu’une corruption par exagération.

Dans sa règle et dans sa loi, originairement et essentiellement, le parlementarisme est un système de gouvernement par séparation, par relation et par équilibre, — on disait autrefois des pouvoirs publics, — j’aimerais mieux dire : des organes et des fonctions de la vie politique d’une nation. Dans sa règle et dans sa loi, le parlementarisme est un système de gouvernement à soupapes et à contrepoids, agencé pour empêcher qu’aucun de ses organes ne déborde sa fonction, ou, — afin de ne pas mêler dans la comparaison deux séries d’images, — qu’aucune de ses mécaniques se meuve hors de son plan.

Originairement et essentiellement, il est fait pour éviter qu’il y ait quelque part dans l’Etat un summum jus et que par suite il puisse y avoir une summa injuria. Originairement et essentiellement, il consiste dans le vote du budget par les Chambres, dans la surveillance de son emploi, dans le contrôle par ce qu’on appelle le législatif de ce qu’on appelle l’exécutif ; et dans l’accord, en vue de la législation, du chef de l’État et des membres du parlement, également investis du droit d’initiative, armés les uns du droit de discussion, d’amendement, d’adoption ou de rejet, l’autre du droit de promulgation, comportant, en une certaine mesure et sous certaines conditions, le droit de veto. Le contact se prend entre l’exécutif et le législatif, entre le chef de l’État et les Chambres, dans le parlementarisme, les rapports s’établissent et se poursuivent par l’intermédiaire obligé des ministres. — Mais c’est tout de suite qu’il convient de marquer les distinctions.

S’il y a parlementarisme et parlementarisme, originairement et essentiellement il y a le parlementarisme anglais, qui est plus que le prototype, qui est comme le protoplasme de tout autre. Le moins qu’on en doive dire est que toute autre constitution n’est qu’une traduction ou une transcription de la constitution anglaise. Vers la fin du siècle dernier, la constitution anglaise « était