Page:Revue des Deux Mondes - 1900 - tome 160.djvu/483

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

En attendant, le premier devoir est de marcher sur Pékin, et d’y frapper mi de ces coups dont l’imagination d’un peuple reste longtemps ébranlée. On dit que l’Empereur, qui ne serait pas mort, nous y appelle. Que cela soit vrai ou non, peu importe, la marche sur Pékin s’impose. Malheureusement, en mettant les choses au mieux, nos renforts n’arriveront à Takou que dans plusieurs semaines, et les opérations ultérieures, dans la saison des pluies, seront très difficiles. Qui sait même si nous ne serons pas obligés de les retarder ? On a beaucoup parlé d’abord des Russes, et ensuite des Japonais qui auraient pu prendre les de van s’sur les autres puissances, et peut-être même faire le gros de la besogne à eux tout seuls. Si cela avait été possible, il aurait fallu, non seulement s’y prêter, mais le faciliter et y pousser, en mettant de côté toutes les considérations d’amour-propre particulier. Quand la maison brûle, on accepte les premiers pompiers qui se présentent. Mais il paraît que les Russes ne sont pas aussi prêts qu’on l’avait cru. Ils n’ont que 15 000 hommes à Port-Arthur, et, s’ils peuvent en détacher une partie, il serait aussi imprudent de leur part de trop dégarnir la place qu’il le serait de la nôtre de trop nous affaiblir au Tonkin. Quant aux concentrations de troupes dont on a parlé dans leurs provinces septentrionales, elles se feront sans doute, mais elles étaient encore, ces derniers jours, à l’état de projet. Reste le Japon. On a attribué des vues personnelles à l’Angleterre à son sujet, et il semble bien qu’il y ait eu quelque chose entre le cabinet de Londres et celui de Tokio. Mais quoi ? À cet égard, les récits diffèrent. On sait que l’Angleterre, prise au dépourvu par les événemens, n’a pas de troupes disponibles. Tout ce qu’elle a pu mettre en ligne est occupé dans le Transvaal et aussi à Coumassie, dans le pays des Achantis. Ici et là, on voit de plus en plus combien l’écart se rétrécit entre les armées européennes modernes et d’autres armées qu’on pouvait croire relativement très inférieures. Les Boers et les Achantis eux-mêmes tiennent les Anglais en respect. C’est pourquoi, manquant d’hommes pour son compte, l’Angleterre aurait imaginé de recourir au Japon et de l’investir d’une sorte de mandat qui en aurait fait le soldat de l’Europe en Extrême-Orient. Mais, si l’Angleterre n’a pas en ce moment de troupes disponibles, l’Europe en a, et son intention n’est nullement de laisser les Japonais opérer à sa place. Il faudrait le faire, comme nous l’avons dit, si les Japonais pouvaient accomplir la besogne plus vite que les autres et à eux tout seuls, car chaque jour perdu risque de coûter cher à l’humanité. Mais, si les Japonais sont beaucoup plus près que nous de la Chine, rien ne prouve qu’ils