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par les circonstances où elles s’étaient produites, elles avaient été réprimées, parfois même très sévèrement. De quoi donc voulait parler le général André ? Nous le mettons au défi de citer un seul cas où un officier aurait manqué à son devoir et n’en aurait pas été puni. On n’avait pas attendu pour cela son arrivée au ministère. On l’avait même si peu attendue que, lorsque sa nomination s’est produite, toutes les agitations s’étaient apaisées : l’armée présentait le spectacle d’une correction absolue. Mais cela ne faisait pas les affaires du général André, et, si les choses avaient continué de marcher ainsi, on se serait demandé ce qu’il était venu faire au département de la Guerre. Il risquait d’y passer inaperçu. Il a donc commencé par changer, de sa simple autorité, un certain nombre d’officiers attachés à l’état-major général, et il en est résulté une émotion très vive. Des questions, des interpellations ont été développées à la Chambre et au Sénat, par M. Camille Krantz, M. Alicot, M. Franck-Chauveau. A dire vrai, c’est pour l’honneur que combattaient ces orateurs, ou plutôt c’est par devoir : ils savaient d’avance que la majorité était acquise au ministère et qu’elle ne l’abandonnerait pas. Le général Delanne, chef de l’état-major général, puis le général Jamont, généralissime, avaient donné successivement leurs démissions. A toute autre époque, la gravité de ces incidens aurait frappé tous les yeux : aujourd’hui, les yeux regardent ailleurs, du côté de l’Exposition, à ce qu’on assure, et le ministère peut tout se permettre, même de désorganiser la défense nationale, sans qu’on lui en demande le moindre compte. Et pourquoi ne pas dire, puisque c’est la vérité, que, dans le parti aujourd’hui dominant, on éprouve une certaine satisfaction à inquiéter l’armée, à la vexer un peu, nous n’osons pas dire à la « brimer ? » On professe sans doute, là comme ailleurs, l’amour de l’armée ; nos radicaux, nos socialistes eux-mêmes assurent qu’ils l’aiment autant que personne et ne permettent pas qu’on en doute. En tout cas, ils s’inspirent du proverbe : Qui aime bien châtie bien. Et ce n’est pas par de bons traitemens qu’ils prouvent à l’armée leur bizarre attachement pour elle.

L’acte tout personnel du général André soulève une question qui n’a été traitée à fond ni dans l’une ni dans l’autre des deux Chambres, et dont on ne saurait pourtant exagérer l’importance. Est-il vrai que le ministre de la Guerre puisse, à lui tout seul, disposer de l’état-major général, et y faire tous les changemens de personnes que sa fantaisie lui inspire ? Quant à nous, nous ne le pensons pas. M. Waldeck-Rousseau a cru tout résoudre par une de ces formules en apparence