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posséder et défendre de vastes domaines à l’extérieur. L’Allemagne le comprend à merveille ; c’est avec un parfait à-propos que son empereur a pu s’écrier récemment : « Quelle magnifique part du gâteau chinois nous aurions pu nous tailler, si nous n’avions pas attendu si tard pour nous donner la flotte de guerre qui nous manque ! »


À cette heure, pour la deuxième fois, la France s’est constitué un vaste empire colonial ; si elle ne veut pas encore le perdre, il faut qu’elle se fasse un tempérament marin, qu’elle puise dans l’histoire du passé des enseignemens précieux et qu’elle cesse de se nourrir des chimères qu’une certaine littérature, soi-disant maritime, lui sert à bon compte.

Les sous-marins patronnés par la Marine Française et par M. Jean du Houguet dans la Presse, au détriment des mastodontes de cuirassés d’escadre, pas plus que les torpilleurs autonomes si éloquemment défendus par Gabriel Charmes il y a quelques années, ne seront jamais que de bons instrumens pour la défense des côtes et ne contribueront en rien à nous assurer la liberté de la grande voie de communication. N’est-il pas puéril de voir discuter encore ces questions au Parlement par des hommes qui s’insurgent contre les grands Conseils de la Marine, sous prétexte qu’ils sont anonymes et irresponsables ? N’est-il pas dérisoire de voir un employé de notre administration centrale s’arroger le droit d’éclairer l’opinion publique sur des questions techniques, parce que la politique a fait de lui un fonctionnaire de notre ministère ? Mais en France, chacun parle sur tout, même sur ce qu’il connaît le moins.


III. — L’ARMÉE COLONIALE DEVANT L’OPINION ET LE PARLEMENT

Depuis dix ans, de nombreux projets de loi relatifs à l’organisation d’une armée coloniale ont été soumis au Parlement. Le plus important émane de la commission mixte présidée, en 1891, par le chef d’État-major de l’armée, général de Miribel ; il faut en retenir deux principes fondamentaux, dictés par la réflexion et le bon sens, deux maximes que nous voudrions savoir désormais incontestées :

1° La nécessité de la spécialisation et de l’autonomie absolue des troupes coloniales, à tous les degrés de la hiérarchie ;

2° Le principe non moins important : — à la flotte, les luttes sur mer, — à l’armée, les luttes sur terre.