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CORRESPONDANCE


Monsieur le Directeur,

J’ai l’honneur de vous adresser une Étude comparative des fonctions de la flotte et de l’armée coloniale.

Quoique la Revue des Deux Mondes, par la plume de plusieurs de ses collaborateurs, ait déjà pris parti pour le rattachement à la Guerre, j’espère qu’en raison du grand intérêt que présente la question pour l’avenir de la France, vous voudrez bien me permettre de placer sous les yeux de vos lecteurs les motifs qui me semblent justifier une opinion contraire.

Veuillez agréer...

DE PENFENTENYO.

25 juin 1900.


LA FLOTTE ET L’ARMÉE COLONIALE


I. — QUELQUES LEÇONS D’HISTOIRE ET DE STRATÉGIE NAVALE

Les Français, race éminemment guerrière, mais continentale, ont eu, de tout temps, une fausse conception de l’emploi des forces navales. Peuple de soldats, la mer, — qu’ils ne connaissent pas ou qu’ils ne connaissent que par ses plages de bains, — la mer est pour eux un obstacle qu’il faut savoir franchir ; leur horizon stratégique ne va guère au delà ; il leur semble qu’une fois l’obstacle franchi et le pied mis sur la terre ferme, leurs qualités propres se retrouveront sur leur véritable élément. Volontiers, comme Énée, ils brûleraient leurs vaisseaux.

Les Anglais, peuple insulaire, raisonnent tout autrement. Bien loin d’être un obstacle, la mer est pour eux la grande voie de communication qui rapproche tous les peuples en temps de paix, la grand’route dont la possession assure la suprématie en temps de guerre, parce que la liberté de l’Océan est la seule base de toute opération militaire à l’extérieur.