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suppose qu’une vierge mystérieuse, aux temps légendaires, s’est acheminée un soir vers les cités des hommes. Elle garde dans ses cheveux un parfum de divinité : son corps est pénétré de clarté ; la nature entière s’émeut et vibre de sa présence. Alors les chefs et les vieillards s’arment pour la repousser. Les femmes sont les plus violentes et se ruent sur elle.


Joyeuses d’insulter des neiges lumineuses
Elles mordent sa gorge avec férocité ;
On voit briller au fond des prunelles haineuses
L’orgueil mystérieux de souiller la beauté.

Et toutes emplissant de sables et d’ordures
La bouche qui savait les mots mélodieux,
Sur la divine morte avec leurs mains impures
Se vengent de l’amour, des rêves et des dieux.


Le symbole peut être une métaphore qui se prolonge. Dans l’Infante, M. Samain compare son âme à une infante en robe de parade et dont l’exil se reflète aux miroirs déserts d’un vieil Escurial. Et la pièce se déroule, évoquant parallèlement d’une part l’image de l’infante parmi les pages, les lévriers d’Écosse, les portraits de van Dyck, les débris de l’Armada sombrée, et d’autre part les sentimens d’une âme triste, orgueilleuse et résignée. Le symbole se distingue de l’allégorie prrce qu’il n’en a pas la froideur, et de la métaphore parce qu’il a une existence indépendante. Il est un organisme vivant. Les mythes qu’on voit apparaître à l’origine des religions ne sont autre chose que des symboles. Le symbolisme, dans ce qu’il a de plus profond, ne consiste donc qu’à reproduire de façon artificielle les démarches spontanées de l’imagination primitive.

On continuera de s’analyser soi-même et de réfléchir sur la vie Même ce sera à rendre les aspects essentiels de la vie que devra surtout servir le symbole. C’est jusqu’ici M. Henri de Régnier qui, dans des pièces telles que l’Exergue, la Couronne, semble avoir le mieux trouvé le système d’images larges, à l’éclat comme assourdi, qui conviennent à une rêverie grave. La vie est pour le poète une forêt et il s’assied un soir au carrefour où les routes s’entre-croisent. Ces routes mènent aux villes, aux lieux où on agit, où on continue à se joindre à la mêlée humaine. La route des chênes âpre et hautaine tente les orgueilleux. La route des bouleaux clairs chemine parmi la boue et la honte. La route plantée de frênes et sablée d’un sable léger est facile à ceux qui veulent vivre et ne pas sentir le poids de la vie. Mais