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auteurs ne se sont probablement pas aperçus qu’ils travaillaient à détruire une légende que les symbolistes se sont complu à accréditer. Car les symbolistes se sont toujours posés, je ne dis pas en incompris, mais en méconnus. La violence de leurs polémiquesne provenait, disaient-ils, que de l’injustice qu’on leur témoignait et n’était que la réponse au mauvais vouloir auquel ils se heurtaient. Or, c’est ici même que, dès le début de leur campagne, on leur a rendu ce grand service, non seulement de signaler leur existence et de discuter leurs idées, mais de définir leurs théories et de les aider à y voir un peu plus clair. C’est ici que quelques-uns d’entre eux, dont les noms étaient encore obscurs, ont trouvé les moyens de se faire connaître : M. de Régnier et M. Albert Samain, M. de Montesquiou et M. Charles Guérin ont inséré des vers dans cette Revue. Les recueils symbolistes ont été, tout comme les autres, récompensés par l’Académie française, et quelques vers de mesure insolite n’ont pas suffi à détourner les suffrages des défenseurs eux-mêmes de la tradition. Enfin je ne vois presque pas un poète de cette école qui n’ait trouvé accueil et appui auprès des maîtres de l’école contre laquelle ils s’insurgeaient. Je n’en vois presque pas un qui ne doive beaucoup à la bienveillance de parnassiens éminens tels que M. de Heredia et M. François Coppée. Après cela, ils sont mal venus à affecter des airs de révoltés.

De même il s’en faut qu’ils aient été d’aussi farouches révolutionnaires qu’ils aimeraient à nous le faire croire. En parcourant ce recueil, on est frappé de voir combien des pièces qu’il contient auraient pu prendre place dans des recueils antérieurs. Ce sont des tableaux, des scènes, des dialogues. Ce sont des intérieurs, des effets de soir, des paysages de toute saison et de toute heure, des élégies, à propos de la neige qui tombe ou des feuilles mortes qui dansent dans les allées, des souvenirs d’enfance, la visite à un ami retiré à la campagne, des méditations sur l’espoir d’une vie future. Il y a dans la poésie symboliste des princesses et des ouvrières, des gueux, des mendians, des malades d’hôpital, des bouviers, des joueurs de flûte, et des faunes, et des satyres et des œgipans et des hamadryades à ne pas les compter. Celui-ci invoque Pégase et cet autre entonne un hymne aux arbres. Tristan Corbière, « poète maudit, » décrit dévotement le pardon de Sainte-Anne de la Palud, Rodenbach décrit des couvens de femmes, et M. Verhaeren des couvens d’hommes. M. Moréas campe en pleine lumière un ruffian magnifique et terrible et qui traîne après soi les cœurs de toutes les femmes. M. Quillard se lamente en songeant que