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Elle s’essaya, si l’on veut, cette seconde Sainte-Alliance, dans l’intervention de la France au profit de la Grèce et de la Belgique : or, un roi de France fut l’auteur responsable de l’expédition de Navarin, un roi des Français fut l’auteur responsable de l’expédition d’Anvers. Et c’est encore cette seconde Sainte-Alliance qui promettait de s’essayer au profit de la Pologne ; mais la promesse expirait en menaces, ce qui paraissait plus grave, mais ce qui l’était moins ; et les menaces n’aboutissaient à rien qu’à enrichir l’appareil encore peu somptueux d’une certaine phraséologie républicaine. Bref, même à l’époque où les rois, saintement alliés, avaient, si l’on ose ainsi dire, offert un repoussoir, la sainte-alliance des peuples était demeurée une utopie.


II

La république de 1848 hérita des illusions de la république de 1793. « Nous aussi, écrivait à cette date Jean Macé dans son opuscule de propagande : les Vertus d’un Républicain, nous allons être des hommes historiques. Le vent qui passera sur la France se chargera d’emporter par delà les fleuves et les montagnes les germes fécondans destinés à faire éclore les républiques. Nous ferons la conquête du monde sans quitter nos femmes et nos enfans ; et, si l’étranger reparaît dans nos murs, ce sera le myrte et l’olivier à la main, pour fêter en famille le salut de l’humanité. » Jean Macé semblait augurer que le seul rayonnement des principes révolutionnaires, derechef proclamés à Paris, ferait pâlir le front des rois et resplendir, à la face de tous les peuples, l’aurore de la liberté, cependant que l’épée du garde national resterait pacifiquement au fourreau[1]. D’autres, au contraire, parmi les républicains de l’époque, ne répugnaient point à la pensée d’ensanglanter quelque peu l’étendard qu’ils levaient contre les tyrannies : ils subissaient les sarcasmes de Lamartine, qui dans son livre : le Passé, le Présent et l’Avenir de la République, les appelait des « voltigeurs de la gloire, des tapageurs de l’histoire ancienne, des parodistes inintelligens de la Convention et de l’Empire. » Quoi qu’il en fût, parmi les républicains de

  1. Une brochure paraissait à cette époque, intitulée le Réveil des Peuples, dédiée à Lamartine, et signée « J,-L.-M. Prud’homme », où l’auteur montrait, en une suite de tableaux, la France appelant le monde à la fraternité, l’Italie se réveillant, la Prusse s’agitant, la vieille monarchie d’Autriche épouvantée, le tsar tremblant, et les Polonais... assurés d’avoir bientôt la terre pour patrie.