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sur l’arbre la marque qu’ils y avaient faite, les Laotiens prétendirent être arrivés les premiers et firent voir à leurs frères une autre marque tout au haut de l’arbre. Et les Khas s’inclinèrent et s’en allèrent vivre dans la montagne.

Selon une autre légende, le royaume de Luang-Prabang devait appartenir à celui dont la branche, plantée devant la pagode, pousserait le plus vite. Les Laotiens plantèrent la leur dans une tige de bananier, dont la sève la fit germer rapidement, et le Prabang leur appartint.

Ailleurs encore, on raconte que le royaume devait échoir à ceux qui pourraient planter leurs flèches dans le rocher de Nam-Hou, la grande paroi qui se dresse à pic en face de la rivière du même nom. Les Laotiens enduisirent la pointe de leurs flèches de cire vierge qui se colla au rocher, tandis que les flèches des trop honnêtes Khas retombèrent au Mékong.

On rapporte enfin qu’il y avait deux éléphans, une mère et son petit, qu’il s’agissait de se partager. Les « petits frères » choisirent le jeune éléphant. Et celui-ci criait sans cesse et appelait sa mère, qui revenait toujours auprès de lui, ce qui procura aux « petits frères » les deux éléphans. Il restait encore à partager deux « gongs, » un gros et un petit. Instruits par l’exemple du gros éléphant, les bons Khas choisirent le petit gong, et se mirent à taper dessus tant qu’ils purent, espérant que le grand gong viendrait rejoindre le petit. Le grand gong ne vint pas ; et les malins Laotiens eurent tout à la fois le grand gong et les deux éléphans.

Les nuocs, les serpens, jouent un grand rôle dans les légendes laotiennes. Il y a les nuocs du fleuve, les sirènes qui vous enlacent et vous entraînent au fond des eaux, pour vous y sucer le sang. Leur demeure n’est pas au fond des eaux, paraît-il, mais c’est là qu’ils vous font mourir, sans jamais vous emmener jusque dans leurs demeures. Si l’on parvient à prendre un nuoc dans un filet, il déchire le filet et entraîne avec lui toute la pêche. On parle aussi du nuoc, qui a été si fort en colère après le passage du La Grandière qu’une montagne à pic qui dominait le fleuve a glissé et s’est écroulée. On a bien vu que le nuoc aurait voulu lui barrer le passage.

Les poissons ont aussi leurs légendes, tel certain gros poisson au nez écrasé qui porte la marque infamante du crime d’un ancêtre. Il était autrefois une fille de roi qu’un prince aimait et