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encore n’y travaille-t-on que pendant quelques heures de la journée. Les femmes tissent la soie, confectionnent les étoffes et vont au marché. Les fortunes sont médiocres et à peu près égales. Pourvu que chacun ait de quoi se loger, se nourrir, se vêtir, donner aux pagodes, il est content. Le reste serait du superflu ; les Laotiens préfèrent s’en passer plutôt que de renoncer à leur repos, à leur douce tranquillité. Aussi n’y a-t-il guère dans ce pays de métiers proprement dits ; mais l’aide mutuelle se pratique aisément. S’il s’agit de bâtir une maison, on se procure, on achète petit à petit les matériaux nécessaires, et, lorsque tout est prêt, on convoque les voisins. Tout le monde se met à l’œuvre ; en un jour la maison est faite ; et le soir il y a grand festin où tous les ouvriers prennent part. C’est encore une fête.

La religion est le bouddhisme, à peu près comme au Siam et en Birmanie ; mais tout le monde n’est pas obligé au Laos d’avoir été bonze durant une période quelconque de sa vie. Il ne s’ensuit pas que les vœux soient éternels, et le bonze qui ne se sent pas la vocation peut être relevé de ses vœux par son supérieur sur la demande de ses parens. La dévotion du peuple ne consiste guère qu’à se rendre aux pagodes aux jours de fête, à leur faire beaucoup de présens, et à nourrir les bonzes, qui représentent, dit-on, le dixième de la population.

Les pagodes sont très nombreuses ; celle de Ouate-Maï a le grand honneur de renfermer le Prabang[1], le bouddha debout, qu’on nomme le Bouddha des lavages d’or, parce qu’il serait fait avec de l’or du pays, auquel on n’aurait ajouté qu’un faible alliage d’argent. Cette statue renferme, prétend-on, des pierres précieuses et en particulier une petite statue, aussi en pierre précieuse également, qui, lors de la fonte, aurait été se placer d’elle-même dans le Prabang. Le dieu est représenté les mains ouvertes, pour signifier le bon accueil qu’il fait à ses visiteurs. Une autre pagode. Ouate-Yin-Song, est en forme de bateau, de cette forme évasée que les Orientaux donnent aux cercueils. Les bois qui composent les murailles sont sculptés avec une finesse, une délicatesse extrême. Dans une troisième pagode, Ouate-Tung-Nong, si je ne me trompe, je constate, sur la fresque du portail, d’un dessin absolument chinois, deux chapeaux gibus et deux casquettes à

  1. Pra signifie Bouddha, bang veut dire debout.