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par des rues transversales, tous les pignons orientés symétriquement et entourés de verdure, forment un ensemble très inattendu sur le haut Mékong. Si maintenant, pour varier le paysage, vous vous placez sur la rive droite, au soleil couchant, à travers les bambous, les grands frangipaniers aux belles fleurs blanches, les manguiers, les faux cotonniers encore sans feuillage, mais chargés de fleurs empourprées, la vue de la ville, du Mékong, de l’embouchure du Nam-Kane et du cercle de montagnes qui s’estompe dans le lointain, est encore plus pittoresque.

Les berges du Mékong s’élèvent à une quinzaine de mètres ; les eaux, très basses, laissent voir de grands îlots de sable ; et le fleuve puissant et calme roule ses eaux limoneuses sur plus de 400 mètres de largeur. Tout le pays est joli et verdoyant ; le climat tempéré, l’hiver bienfaisant ; le thermomètre y descend, le matin, à 10 et même quelquefois à 2 degrés au-dessus de zéro, pour remonter, dans le jour, à 16 et 25 degrés. Et quelle jolie promenade, le matin, que la longue rue du bazar de Luang-Prabang, sous son avenue de grands cocotiers ! Marchandes et acheteuses, malgré la fraîcheur matinale, vont bravement, le buste découvert ou à peine voilé d’un léger tissu soyeux, le plus souvent noué à la ceinture au-dessus de l’écharpe qui enveloppe les jambes. Toutes les femmes, bien coiffées, ont un air de fête et portent des fleurs dans les cheveux. Les femmes khas mouks se souviennent de l’ancien servage et se tiennent encore tout à l’extrémité de la ligne des marchandes laotiennes. Je constate généralement chez elles un certain écrasement du cartilage du nez et un assez grand écartement des deux yeux. Il est probable que, de même qu’en Chine, l’écrasement est voulu, et ne vient pas tant de la nature que du procédé employé sur l’enfant. J’ai entendu dire qu’il y avait beaucoup à se méfier à cet égard de la nourrice chinoise.

Indolens par nature, ayant peu de besoins, les Laotiens ne pensent qu’à vivre le plus agréablement possible. Luang-Prabang est la ville des fêtes, le centre du plaisir pour les indigènes. Des fleurs partout : hommes et femmes ne se présentent jamais sans offrir un bouquet dans un cornet de feuille de bananier avec deux petites bougies en cire ; c’est, pour ainsi dire, la carte de visite du pays.

En ville, on se livre à peine à quelques industries artistiques, telles que la fabrication des bijoux, la ciselure de l’argent, et