que le roi aurait connaissance, et il n’avait garde d’y manquer. Mais il avait trop longtemps vécu dans l’atmosphère des cours pour ne pas savoir que, même dans celles qui sont le moins sévères sur l’étiquette, la bienséance ne permet pas de tout dire aux personnes royales, et il s’était ménagé à lui-même un moyen plus intime encore de penser et de parler à l’aise. C’était un échange de lettres avec une ancienne amie, la princesse de Vaudemont, dont l’affection datait pour lui de la brillante époque où le jeune abbé de Périgord charmait toute la belle jeunesse de Versailles par la grâce de son esprit, et elle lui était restée fidèle (ce ne fut pas la seule dans ce cas), à travers toutes les péripéties de son existence. Issue d’une branche de la famille de Montmorency, Mme de Vaudemont était veuve du dernier héritier de cette maison de Lorraine qui a tenu une si grande place dans l’histoire de France et qui gardait encore, à la veille de la chute de la monarchie, ce rang de prince étranger dont murmurait Saint-Simon. Du reflet de cette grandeur, pourtant bien pâlie, était restée pour Mme de Vaudemont l’habitude d’être traitée partout avec des égards particuliers, et notamment de vivre sur un pied d’égalité familière avec la nouvelle famille royale. M. de Talleyrand, qui la connaissait, se fiait à elle pour savoir à propos parler ou se taire, et ne se gênait pas pour lui faire part de toute la finesse et même de toute la malice de ses jugemens. Dans la collection soigneusement gardée de ses moindres billets, la partie anecdotique, bien que certainement la plus piquante, n’est pourtant pas la principale. C’est, en réalité, une série de bulletins politiques d’une grande liberté de langage, et confiés à une main prudente pour être, suivant l’occasion, montrés ou gardés secrets.
Toutes les précautions étaient donc prises pour que rien ne souffrit de l’inclinaison fâcheuse, bien que nécessaire, donnée à la politique de Paris. Le seul inconvénient qu’on ne put éviter, ce fut qu’en prenant possession le nouveau cabinet, dans une déclaration assez ambiguë, dut signaler la gravité de la situation extérieure et fut à ce sujet vivement interpellé sur ses intentions. On s’en tira pour cette fois avec une proclamation retentissante du principe de non-intervention faite même sur un ton de menace dont l’écho aurait pu amener quelque protestation au dehors, si l’attitude encore incertaine, mais déjà supposée, du cabinet anglais n’eût tenu tout le monde dans l’attente. Ce n’en était pas moins