haute du devoir lui rendait plus douloureuses les habitudes de son prince. Comment l’en arracher ? Sans doute l’épée de l’émigration était brisée, et il ne fallait plus en aiguiser les tronçons en poignards, mais une épée intacte et autrement puissante sortait du fourreau : celle de l’Europe, que Napoléon menaçait. La maison de France ne saurait manquer à cette union des souverains légitimes contre un génie usurpateur, elle ne peut être représentée que par ses princes sur les champs de bataille. La défense du droit monarchique par le courage militaire est l’entreprise où La Ferronnays tente d’entraîner le Duc de Berry. « Il me paraît impossible, — écrit-il à la veille d’Austerlitz, — qu’il continue à traîner sa vie inutile à Londres quand encore une fois le feu va prendre à l’Europe. »
Mais, pour le Prince, les rhumatismes précèdent les campagnes, et La Ferronnays, au lieu de se battre, doit le soigner. « On accuse le genre de vie qu’il a adopté d’être cause de ce triste état de choses. Peut-être. Mais je crois que les humeurs qu’il a toujours eues dans le sang y contribuent plus encore que le reste... si vilain que soit ce reste. » D’ailleurs payé de son sacrifice par la gratitude du malade, il s’étonne que la goutte rende si doux un homme d’ordinaire si emporté. Un jour, il est vrai, le Prince semble trop guéri, et à table, devant ses domestiques, traite son compagnon de telle sorte que La Ferronnays quitte la salle et cesse son service. Le lendemain, le Duc le fait prier à dîner, et, quand ils sont de nouveau à table, se lève et lui dit : « Monsieur de La Ferronnays, je vous ai offensé hier devant mes gens, c’est devant eux que je vous fais réparation. » Après quoi, il ajoute : « Es-tu content ? »
Non, malgré la bonne grâce de tels repentirs, La Ferronnays n’était pas content, parce qu’il ne pouvait respecter son prince comme il l’aimait. Puis il était forcé de reconnaître que son plan était chimérique : aucune armée n’offrait dans ses rangs aux Bourbons cette place où auraient été le danger et l’honneur. Pourtant un souverain s’intéresse à eux. Gustave IV de Suède avait la religion de la monarchie, le sentiment de la solidarité entre les rois, et la certitude qu’il suffit d’obéir aux principes pour dominer les événemens. Il lui paraissait que rétablir dans son domaine la famille aînée des rois serait rendre la stabilité à tous les trônes, et que vaincre la Révolution en France serait la détruire dans le monde entier. En 1807, il offrit à Louis XVIII l’hospitalité de sa