Page:Revue des Deux Mondes - 1900 - tome 160.djvu/33

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

des Affaires étrangères vacant par la retraite de M. Molé fut confié d’abord au maréchal Maison, brave soldat, étranger jusque-là à toute action diplomatique, et qui devait accepter sans discussion la direction qui lui serait donnée, et j’ai dit avec quel soin elle lui fut tracée par une lettre autographe du roi lui-même. Puis à cette nomination, évidemment provisoire, un choix définitif fut substitué dans la personne du général Sébastiani, le même qui avait été un instant nommé en juillet, et à qui le déplaisir, devenu assez insignifiant, du général Pozzo ne fit plus cette fois obstacle. Celui-là était un ami personnel avec qui on pouvait parler à cœur ouvert. Ce ne fut pas à lui non plus cependant que furent destinées les dernières et plus intimes confidences. Le roi et l’ambassadeur s’étaient réservé un moyen ignoré du ministre lui-même d’être tenus régulièrement au courant des moindres incidens intéressant la suite de leurs desseins.

L’intermédiaire de ces communications secrètes était naturellement indiqué. C’était cette sœur du roi, la princesse Adélaïde, qui, au moment de la crise suprême, avait exercé, comme on l’a vu, par son entretien avec l’ambassadeur russe, une action décisive. C’était pour Louis-Philippe une compagne d’enfance, avec qui son intimité était complète. Elevés ensemble à l’école de l’adversité, soumis aux mêmes épreuves, mêlés l’un comme l’autre aux sociétés les plus diverses, sentimens, jugemens, tout était devenu commun entre eux. L’affection fraternelle était confirmée par une complète unité de vues politiques, fait d’ailleurs très ordinaire et à peu près inévitable dans les maisons royales où la politique est toujours mêlée aux intérêts et par là aux affections de famille. Au moment de prendre la grande résolution qui allait décider de leur destinée, il n’y avait eu entre le frère et la sœur d’autre dissentiment que celui qui naissait de la différence de leurs caractères. Tandis que Louis-Philippe, averti de la responsabilité qu’il encourait et des périls qui l’attendaient, avait délibéré jusqu’à la dernière heure, et tint encore toute sa vie à établir qu’il n’avait cédé qu’à une nécessité suprême d’intérêt public, Adélaïde, d’une nature plus ardente et d’un jugement moins étendu, ne se cachait pas d’avoir sinon désiré, au moins toujours prévu le dénouement ; et, le moment venu, elle n’avait éprouvé ni hésitation, ni doute.

La princesse avait fait promettre à Talleyrand d’entretenir avec elle une correspondance régulière dont il était bien entendu