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pays où le travail seul nourrissait une nombreuse population ouvrière, l’incertitude, en suspendant toutes les relations industrielles et commerciales, produisait une crise aiguë. L’anarchie, déjà déchaînée sur plus d’un point, était partout menaçante et un gouvernement improvisé, sans racine, se sentait de jour en jour plus impuissant à la prévenir. Aussi la réunion du congrès national qui ne pouvait être retardée d’un jour, eut lieu le 10 novembre, le lendemain même de l’arrivée des délégués de la Conférence, et aussitôt après avoir pris connaissance et accusé réception de leur message, l’assemblée se mit, sans une heure de relâche, à sa tâche d’organisation constitutionnelle. Elle attestait par cet empressement la volonté de devancer les décisions en cours de la Conférence, en donnant à la nationalité nouvelle des bases légalement posées, avec lesquelles tous les médiateurs, bienveillans ou non, seraient obligés de compter.

Trois résolutions principales furent adoptées en moins de quinze jours, soit à l’unanimité, soit à des majorités considérables, après des discussions assez vives, mais soutenues avec un mélange très remarquable de modération et de vigueur. Leur ensemble mit en lumière, dans les deux partis, catholique et libéral, dont la distinction était toujours sensible, mais dont l’union subsistait encore, tout un personnel politique déjà formé et aussi bien préparé à l’usage de la liberté qu’il avait été résolu à la conquérir.

La première de ces résolutions confirmait la déclaration déjà faite par la constitution de la Belgique en un État indépendant. La seconde adoptait pour cette constitution le principe de la monarchie héréditaire.

Par cette double déclaration, le congrès national ne répondait pas seulement au vœu très général de la nation belge, il allait avec soin au-devant des deux principaux sujets d’inquiétude que la révolution triomphante pouvait causer aux sages ou timorés politiques d’Europe. La proclamation de l’indépendance était faite en termes si nets et si absolus qu’elle ne prononçait pas seulement la séparation de la Hollande, à laquelle tout le monde était plus ou moins résigné, mais elle excluait toute idée d’annexion à la France et de retour aux limites impériales et républicaines, dont le vœu exprimé déjà tout haut dans les réunions révolutionnaires et démocratiques de Paris et de Bruxelles, n’était nulle part plus mal accueilli qu’en Angleterre.