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A toute autre condition la jalousie britannique était réveillée. Albion rentrait dans la coalition toujours latente dont elle était spontanément sortie et son appui reconstituait l’hostilité ancienne des quatre puissances auxquelles la France n’aurait eu à opposer qu’une armée très inférieure à leurs forces combinées, dût-elle même l’appuyer par une propagande révolutionnaire qui aurait imprimé à l’état général de l’Europe un ébranlement dont elle n’aurait pas été la dernière à souffrir.

Deux grandes difficultés paraissaient s’opposer à première vue à l’accommodement qui était dans de telles conditions à rechercher et à découvrir : d’une part, la volonté impérieuse, très publiquement annoncée de l’empereur Nicolas, de ne se prêter à rien de ce qui pourrait enlever à la maison de Nassau la situation élevée que le Congrès de Vienne lui avait assurée. C’était, en second lieu, la situation particulière du grand-duché de Luxembourg, dont les populations, unies à la Belgique par d’anciennes traditions et une communauté de sentimens, avaient pris une part active à l’insurrection et comptaient bien en recueillir le fruit, mais qui faisaient pourtant partie, on l’a vu, de la Confédération germanique, et dépendaient par là de la Diète, où la volonté de Metternich était souveraine. Le roi grand-duc n’avait pas manqué de s’adresser à cette haute assemblée, pour obtenir d’elle l’appui auquel il avait droit en qualité de confédéré, et bien que la Diète se fût prononcée très énergiquement (je l’ai rappelé), par plusieurs délibérations, sur le droit et le devoir d’intervention réciproque qui naissait du lien fédéral, elle avait eu la prudence d’en ajourner l’application à l’égard du Luxembourg, en déclarant s’en remettre, pour la défense de ses droits, à la décision attendue de la Conférence : de toutes les questions qu’on lui donnait à résoudre, ce n’était assurément ni la moins délicate, ni la moins grave.

Il y avait bien, entre les sentimens contraires dont la rencontre allait avoir lieu, et l’opposition était prévue, une solution moyenne qui pouvait opérer la conciliation : ce n’était plus la séparation administrative et même politique des deux parties du royaume-uni, à laquelle les États généraux de Hollande consentaient de bonne grâce et le roi Guillaume se résignait à contre-cœur ; mais son nom étant devenu trop odieux à ses sujets révoltés, et son obstination trop connue pour qu’une combinaison qui lui laisserait une part quelconque, même nominale du pouvoir,