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professeur de la Faculté de Grenoble, M. Raoult, dont on connaît déjà les importans travaux à propos de la cryoscopie[1].


I

Tonométrie signifie proprement : mesure des tensions. Le mot désigne en général la mesure et l’étude des tensions ou forces élastiques des vapeurs émises par les liquides purs ou mélangés. Mais l’objet plus particulier de cette étude est la comparaison des vapeurs émises par les solutions, c’est-à-dire par les liquides chargés de corps étrangers, avec les vapeurs émises par les liquides purs. On voit que le domaine de ces recherches serait fort étendu. On le restreint souvent à la considération des liquides volatils tenant en solution des corps fixes.

On rencontre donc ici, dès l’abord, la notion de corps fixes et de corps volatils. En principe, on peut admettre qu’il n’y a point de corps fixes absolus ; que tous sont volatils, c’est-à-dire susceptibles d’exister comme vapeurs dans des conditions convenables de température et de pression. Une seule circonstance peut s’opposer à cette volatilisation pour les substances complexes : c’est leur instabilité : il arrive qu’elles ne puissent être soumises à ces conditions nécessaires sans se détruire, en d’autres termes, qu’elles n’aient d’existence que dans un intervalle restreint de l’échelle des températures et des pressions. C’est le cas pour les huiles grasses, précisément nommées huiles fixes ; elles se décomposent avant d’atteindre le point où elles émettraient des vapeurs sensibles.

Hors ce cas, on peut considérer qu’il y a pour chaque corps un intervalle plus ou moins étendu où il existe à l’état de vapeur en même temps qu’à l’état solide ou à l’état liquide. En dessous de ces limites, il pourra être considéré comme fixe. L’eau, par exemple, peut être regardée comme fixe à 40° au-dessous de zéro : la glace, en effet, à cette température, n’émet pas de vapeurs dont la force élastique soit appréciable. Mais déjà à —30% la glace répand autour d’elle une vapeur dont les physiciens ont mesuré la force élastique, qui s’exprime par le nombre 0, 36, en millimètres de mercure. A 0% la tension de la vapeur, émanée de la glace aussi bien que de l’eau liquide, est de 4mm, 6 ; à 100°, elle est de 760 millimètres, et l’eau entre en ébullition.

L’eau est donc fixe à 140° au-dessous de son point d’ébullition : au-dessus de ce point, et jusqu’à 0° elle existe à la fois à l’état solide et

  1. Revue, 15 février 1900, et Tonométrie, par P. M. Raoult dans la collection Scientia.