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POÉSIE


EXALTATION


Le goût de l’héroïque et du passionnel
Qui flotte autour des corps, des sons, des foules vives,
Touche avec la brûlure et la saveur du sel
Mon cœur tumultueux et mon âme excessive...

Loin des simples travaux et des soucis amers,
J’aspire hardiment la chaude violence
Qui souffle avec le bruit et l’odeur de la mer ;
Je suis l’air matinal d’où s’enfuit le silence ;

L’aurore qui renaît dans l’éblouissement,
La nature, le bois, les houles de la rue
M’emplissent de leurs cris et de leurs mouvemens ;
Je suis comme une voile où la brise se rue.

Ah ! vivre ainsi les jours qui mènent au tombeau.
Avoir le cœur gonflé comme le fruit qu’on presse
Et qui laisse couler son arôme et son eau ;
Loger l’espoir fécond et la claire allégresse !

Serrer entre ses bras le monde et ses désirs
Comme un enfant qui tient une bête retorse,
Et qui mordu, saignant, est ivre du plaisir
De sentir contre soi sa chaleur et sa force.