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Enfin deux tentatives ont été faites pour supprimer l’octroi, elles ont été rejetées par le ministère Méline. Le dernier projet, accepté par le ministère Waldeck-Rousseau, a été approuvé par la Chambre, sans aucune opposition de la part du ministre des Finances, bien qu’il créât un précédent dangereux, en autorisant la commune à établir une taxation directe. Il avait l’inconvénient de dégrever l’alcool, et d’établir un impôt progressif sur la propriété, impôt qui devait être payé, en dernière analyse, par les électeurs sous forme d’accroissement de loyer. Très correctement la population avait été consultée par voie de referendum non officiel. Mais elle s’était abstenue, se réservant de répondre aux prochaines élections municipales. Il y eut un nombre dérisoire de votans : 2 100 oui contre 600 non.

Sur les autres points, la municipalité, contenue par une opposition vigilante, et, comme nous l’avons dit, sous l’influence d’hommes capables, n’avait rien désorganisé et avait administré prudemment les finances de la ville. En quatre ans, les édiles dijonnais, écrivait M. Marpaux, composés en majeure partie d’ouvriers manuels, ont fait plus que le parlement en trente années de politique exclusive.

La majorité des électeurs de Dijon n’a pas goûté toutefois les bienfaits de cette municipalité modèle. Tous se sont unis contre les collectivistes qui allaient faire passer la progressivité de la menace à l’exécution. L’effet a été tel, remarque M. Kergall, que, pour expulser la municipalité socialiste, on a vu se produire contre elle non pas seulement la concentration républicaine, mais la concentration nationale des conservateurs, des opportunistes et des radicaux, alliés contre l’ennemi commun. Chacun des trois partis figurait pour un tiers sur la liste anti-collectiviste, trente-quatre candidats sur trente-six ont été élus.

C’est un avertissement salutaire aux socialistes : ils s’aperçoivent à leurs dépens que le suffrage universel est instable de sa nature, que les électeurs sont changeans. Ils ont fait jadis la même expérience à Saint-Denis et à Saint-Ouen. De même à Calais, la lutte homérique des citoyens Delcluze et Salembrier, appartenant à des écoles socialistes rivales, s’est terminée par l’échec général du parti. Il y avait autrefois vingt-six socialistes et trois républicains, la proportion est aujourd’hui renversée en faveur de ces derniers.

C’est Paris qui a infligé aux collectivistes la défaite la plus