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intransigeans de l’école de Manchester sont déjà relégués parmi les fossiles. L’individualisme du passé est bien mort, il ne renaîtra pas de ses cendres. Et dans une page humoristique, souvent citée, M. Sidney Webb nous peint les illusions du bon individualiste, et les démentis que lui infligent à chaque pas les institutions municipales :


Le conseiller municipal individualiste se promène sur le trottoir municipal, éclairé par le gaz municipal et nettoyé par les balais municipaux avec l’eau municipale, et voyant à l’horloge municipale du marché municipal qu’il est trop tôt pour rencontrer ses enfants au sortir de l’école municipale qui jouxte l’hôpital municipal et l’asile des fous du comté, il emploiera le télégraphe national pour leur dire de ne pas traverser le parc municipal, mais de prendre le tramway municipal pour le rejoindre à la salle de lecture municipale, au musée et à la bibliothèque municipales, où il a besoin de consulter certaines publications nationales, afin de préparer son discours au conseil municipal en faveur de la nationalisation des canaux et de l’augmentation de contrôle du gouvernement sur les chemins de fer. « Vous me parlez de socialisme, Monsieur, dira-t-il, ne perdez pas le temps de l’homme pratique, avec ces fantaisies, ces absurdités. Self-help, Monsieur, aide et activité individuelles, voilà ce qui a fait notre ville ce qu’elle est.


Cette boutade de M. Sidney Webb, remarque M. Léon Donnat, montre que les socialistes cherchent à tirer argument de l’intervention des pouvoirs municipaux, même les plus modérés, en faveur de leurs idées les plus hardies.

Les Fabiens combattent, à titre de préjugé, cette idée de nombre de socialistes, que le collectivisme implique une administration nationale rigidement centralisée de tous les détails de la vie. Les réformateurs pratiques n’ont pas d’autres moyens d’atténuer les maux de la société qu’en agissant dans la commune. Au comté de Londres, où s’exerce leur influence, les Fabiens réclament une extension de la provision publique des repas scolaires dans les districts pauvres. Des centaines de mille de repas gratuits et à bon marché sont donnés par la charité privée, avec la collaboration des autorités scolaires. Cela ne suffit pas, et un mouvement se produit qui témoigne de la croissance de l’esprit collectif, en faveur d’un repas gratuit fourni dans les écoles par le London School Board lui-même. Chaque jour est plus généralement reconnue la nécessité de remédier au chômage, d’entreprendre des travaux publics pour les sans-travail. La commune doit s’efforcer de procurer des emplois à qui le demande. Il s’agit de refondre sur des principes démocratiques la loi des pauvres